Gaëtan Bernoville
Monseigneur Jarosseau
et la Mission des Gallas

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Appendice

I. — Ce qui subsiste aujourd’hui de la Mission des Gallas.

En l’année où j’écris — 1950 — un Père de la Province capucine de Toulouse, le P. Léopold, est toujours en Ethiopie, où il dirige l’imprimerie de Dirré-Daoua, mais c’est surtout le clergé indigène, formé par Mgr Jarosseau, qui poursuit son œuvre. Seize abbas sont dispersés dans les postes suivants: Bilalou, Bobba, Assebe Taffari, Sourré, Lafto, Dirré-Daoua, Gambo, Addis-Abeba, Harar (église du Saint-Nom de Marie et petit séminaire), Didjiga, Dagadima, Andébéré. Un de ces abbas est délégué auprès de ses confrères, avec le titre de pro-vicaire du vicariat des Gallas, par le représentant du Saint-Siège, Mgr Monnens.

Par ailleurs, les oblates indigènes sont au nombre de vingt-cinq. Leur noviciat, à Harar, groupe huit novices et huit postulantes. Elles ont fondé à Andébéré, chez les Gourragué, une école et une autre à Midagdou. Elles ont encore orphelinat et école à Dirré-Daoua et elles aident, à Djibouti, les franciscaines de Calais.

La léproserie, subventionnée par le négus, continue. C’est une œuvre humanitaire, non plus missionnaire, mais le docteur Féron, qui la dirige, longtemps secondé par un prêtre indigène, abba Mekonnen, récemment décédé, y apporte l’âme du P. Charles dont il fut longtemps le collaborateur. Voilà vingt ans, qu’ayant brisé /372/ à Paris une belle carrière pour se consacrer au soin des lépreux, il se dévoue à eux, vivant à Harar, seul, comme un moine. Il est l’homme providentiel sans lequel l’œuvre des PP. Marie-Bernard, Bernardin Azaïs et Charles n’aurait pas subsisté. C’est par de tels Français que se maintient à l’étranger le renom de la France.

Le clergé indigène — petite équipe débordée par la tâche — réclame à grande voix des missionnaires français. A cet appel, la Province capucine de Toulouse, absorbée aujourd’hui par son importante mission d’Oùbangui et du Tchad, n’avait pu jusqu’ici répondre.

Mais voici que le Père général de l’Ordre des capucins a demandé à la Province de Paris des sujets pour l’ancien vicariat des Gallas. Ils seront précédés par deux anciens missionnaires de la Province de Toulouse, les PP. Césaire et François-Xavier. Les uns et les autres retrouveront là-bas bien vivant le souvenir de Mgr Jarosseau.

II. — Le souvenir persistant de Mgr Jarosseau.

Ce qui se fait encore au pays des Gallas — sur une si petite échelle et avec si peu d’ouvriers — vit intensément du souvenir de Mgr Jarosseau, entouré chez les Ethiopiens, comme chez tous ceux qui, en Europe, l’ont connu, de la vénération particulière qui s’attache à la sainteté. La maison qu’il a habitée à Harar, sa chambre qu’on garde intacte, les objets qui lui ont servi sont considérés comme autant de reliques. Des témoins, dignes de foi, parlent de guérisons, obtenues par son intercession et considérées comme miraculeuses, de faits qui portent apparemment le même caractère. Ce disant, je n’entends nullement préjuger du fond, dont l’Eglise est seule juge. En historien, je me borne à constater le /373/ fait éclatant d’une renommée de sainteté. Vox populi. Je m’en tiens là.

Le seul nom, à peine prononcé, de Mgr Jarosseau, éveille dans le pays des résonances sans fin. En 1947, pour le septième anniversaire de sa mort, un office solenne fut célébré, suivi d’un taskar, repas funèbre. Les fidèles de Dirré-Daoua accoururent dans cinq camions, expressément loués pour la circonstance, le service régulier d’autobus Dirré-Daoua s’étant trouvé débordé. Le repas était présidé par le gouverneur de Harar en personne, Ala Ayele Gabre, ancien président de la jeunesse catholique de Dirré-Daoua. Cinq cents indigènes y prirent part, le seul hôte européen étant le docteur Féron. Les catholiques se trouvaient en majorité. Mais, à des tables spéciales, tinrent à s’asseoir, pour rendre hommage au grand évêque disparu, des représentants du clergé orthodoxe, des laïcs orthodoxes et un bon nombre de musulmans.

Un appel a été lancé de Harar pour l’érection d’un monument à Mgr Jarosseau. Telle est la traînée lumineuse que laisse derrière elle l’épopée missionnaire capucine au pays des Gallas. Mgr Jarosseau continue de témoigner pour l’Eglise et pour la France.

En France même, tous ceux, nombreux, qui l’ont connu et approché, disent d’une seule voix l’impression de sainteté qu’il leur laissa... Sa Vendée natale, particulièrement, l’honore, sans parler de Saint-Mars-des-Prês. Aux Lucs-sur-Boulogne, en Vendée, où le 28 février 1794, cent dix enfants au-dessous de huit ans, furent massacrés par « la colonne infernale » du général Cordelier, une église neuve se dresse. Les vitraux y sont consacrés aux gloires de la Vendée chrétienne. Or, l’effigie de Mgr Jarosseau occupe l’un d’eux, et, quand un rayon de soleil l’illumine, beaucoup aiment à penser que c’est l’auréole des saints.

/374/ Enfin, sous le provincialat du P. Marie-Auguste, le vœu formé par Mgr Jarosseau lui-même a pu enfin être réalisé. Le 17 janvier 1950, le corps de Mgr Jarosseau, qui reposait dans le caveau des capucins, au cimetière de Terre Cabade, à Toulouse, a été transféré devant l’autel de la Sainte-Vierge, en la chapelle du couvent de la Côte Pavée, où le grand évêque mourut. Ainsi, se trouvet-il immédiatement environné de la vénération des fils de Saint-François, auprès du corps du P. Marie-Antoine, dont la cause de béatification est actuellement instruite en cour de Rome.