Massaja
Lettere

Vol. 4

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Al padre Ferdinando Dellor da Hyères OFMCap.
Vicario generale della missione dei Galla – Scioa

[F. 1r]Mon bien cher Père Ferdinand

Debra-Tabor 7 Août 1879

Nous sommes arrivés assez heureusement à Debra-Tabor le 5 du mois présent. Je ne vous parlerai point des fatigues que nous avons endurées et surtout de celles qu’a éprouvées Monseigneur. Que Dieu seulement nous en tienne compte. Vous pouvez bien penser que tout en m’éloignant, ma pensée était toujours près de vous et que je n’ai point cessé de prier Dieu d’alléger vos épreuves et d’opérer par sa miséricorde que tout cela tourne à notre plus grand bien.

J’arrive maintenant à la situation présente afin de vous indiquer la conduite à suivre suivant les temps et les circonstances. Hier matin nous avons été reçus par l’Empereur. La réception a été purement officielle – Il nous a reçus toutefois en particulier et après s’être enquis de notre santé nous a dit ceci: Je vous donnerai un endroit pour passer l’hiver: l’hiver passé, nous étant entendus ensemble, vous partirez pour votre pays. Nous avions le premier jour logé à l’entrée de la ville royale – le jour même de l’audience nous avons été transportés un peu plus loin sur le territoire de l’Eglise d’Ennatiton-Mariam qui appartient à l’Etchegié et c’est là je suppose que nous passerons la saison des pluies. La situation [f. 1v] n’est point donc encore dessinée, quoi qu’on puisse la juger plutôt mauvaise que bonne. Je vais donc poser plusieurs hypothèses. Si la situation s’aggrave et que l’Empereur après l’hiver aille s’établir au Chewa /368/ le premier résultat sera que le Roi nous enlèvera toutes les terres qu’il nous a données personnellement et que vous devrez quitter le pays. Il peut se donner le cas que le Roi puisse fermer les yeux sut nos maisons particulières, comme celle de Kataba, Bowa-Bubbisa, ou sur une au moins et en même temps sur le séjour d’un ou de plusieurs prêtres indigènes. En ce cas mettez dans cette ou ces maisons, ou moins deux prêtres indigènes – laissez leur l’argent nécessaire – les objets du culte les plus communs – mettez en leur mains nos esclaves femmes, et les plus petits enfants – les plus grands de bonne volonté devront rentrer avec vous – Pour vous rentrez en emportant les choses les plus précieuses – les Calices, livres et ornements du pontifical, soit de Finfinni soit d’Jescha (je vous avertis en passant que les effets les plus précieux sont déjà entre les mains de Sali ou de M.r Bremond) – Vous établissez un supérieur, lui communiquant les pouvoirs que vous jugez convenables – vous lui recommandez nos chrétiens et venez rejoindre ceux qui gagneront l’Europe – Si au contraire [f. 2r] les événements sont tellement mauvais qu’il ne puisse rester un seul prêtre, et que notre pauvre mission n’ait plus un seul toit pour s’abriter, alors il faut recourir à Joseph et l’intéresser à la situation. Profitant d’un reste de bienveillance du Roi, qui dans son coeur ne nous sera jamais hostile, passez lui les terres et maisons dont vous pourrez disposer, surtout Kataba, mettez en ses mains les femmes esclaves et les plus jeunes enfants qui ne peuvent vous suivre, à charge de les nourrir donnez-lui pour cela les ressources nécessaires soit en argent soit en bestiaux. Quant aux bestiaux que nous avons de côté et d’autres entre les mains des pauvres, mon intention est que vous leur en fassiez cadeau surtout aux chrétiens – Suivant que vous le jugerez convenable, ajoutez même à ceux qui peuvent servir à conserver la foi dans le pays et qui nous ont été plus fidèles. Si tout nous devient hostile, ces pauvres enfants auront tant à souffrir qu’il convient de leur adoucir l’épreuve afin qu’il n’y voient point une trahison et la réalisation de tous ces dires Oromo que c’était en vain que l’on se confiait au Christ. Vous verriez également dans ce cas, s’il ne convient pas mieux d’affranchir nos esclaves, surtout les plus vieilles en leur donnant ce qui est [f. 2v] convenable; vous verriez également en cas où vous n’ayant point Joseph à votre disposition, s’il n’y aurait point moyen, de confier des bestiaux de côté et d’autre – de faire des dépôts de livres etc – Ceci étant fait et l’expulsion étant pour tous, vous emmèneriez tous nos prêtres indigènes et même Sâli, s’il le demandait.

Du reste tout ce que je vous dis ici est un en-cas. J’espère que Dieu par des moyens à lui connus nous délivrera de cette épreuve. C’est pourquoi encouragez tous ceux qui vous entourent les enfants de la maison et toute cette chrétienté extérieure que peu de chose suffit à décourager. J’avais toujours l’intention d’écrire à tous en commun, je crois que je ne pourrai encore aujourd’hui: le courrier partant immédiatement. Toutefois saluez les tous de ma part, bénissez-les en mon nom, tout particulièrement Garedo, Wari-Kaleca- /369/ Borchie etc – maintenez le courage de tout le monde tout en le préparant doucement aux épreuves – J’ignore si notre Bubbisa est toujours sur un bon pied – veillez y paternellement – Saluez de ma part Tufa-Oba – Serawa – donnez lui de bonnes nouvelles. Je bénis tous nos enfants et particulièrement vous que Dieu à conservé pour tenir la croix élevée dans ces pays Galla. Que Dieu vous garde et vous inspire en toutes choses. Les compliments du P. Gonzaga – La bénédiction de Mgr. [Massaja].

Votre tout affect.[ionné] en J. C.
F. T. Cahagne Cap. Ev. d’Ad.lramit]

[P. S.] Je bénis également la vieille Wolleta-Mariam – Matalis et toutes les personnes qui travaillent pour nous.