Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Deuxième partie
Conques

Chapitre II
L’église et le cloître

II. L’Église de Conques

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Questa parte è indicata solo con un titoletto all'interno di II. L’église de Conques – 3. Extérieur, ma si tratta in realtà del n. 4. dopo 3. Extérieur e prima di 5. Le cloître.

Particularités.

Nous avons omis à dessein, dans la description que nous venons de tracer de l’église de Conques, de faire remarquer certains détails qui auraient pu fournir matière à discussion. Il est temps d’y revenir; ils nous renseigneront peut-être au sujet des phases de sa construction.

Revenons dans le choeur. Nous avons dit qu’à l’endroit où commence le rond-point, se dresse de chaque côté un pilier carré dont les quatre angles sont amortis par des tores. Déjà la forme de ce pilier est des plus étranges (2). Mais ce qui est plus étrange encore, c’est la partie de muraille qu’il porte. Au lieu de se continuer régulièrement par la face des arcades du rond-point, il est nettement tranché jusqu’au sommet. Il semble au premier coup d’œil qu’à la construction, arrêtée primitivement à cet endroit, soit venu plus tard s’appuyer le rond-point avec le cul de four qui le couvre, d’un diamètre sensiblement plus grand que l’espace qui sépare les deux piliers carrés.

Autre étrangeté, non moins singulière, et qui a plus d’une fois exercé la sagacité des visiteurs et des archéologues. Le banc de pierre qui fait, du côté des chapelles absidales, le tour du déambulatoire, est orné, sur sa tranche, d’une décoration sculptée qui présente, entre autres ornements, « des oves d’un beau travail et d’un caractère presque antique (3) ». Or les pierres qui font les angles des trois chapelles sont tournées de telle sorte que leurs sculptures se trouvent dans la chapelle et que, du côté du chœur, on n’en voit que la tranche non sculptée. On a tâché d’expliquer cette disposition en disant que les chapelles absidales ont été ouvertes postérieurement à la construction de l’église, et qu’alors on a retourné les pierres en question, de manière à faire de leurs sculptures un ornement pour les chapelles.

/151/ L’examen attentif de ces diverses particularités nous a conduit à faire les conjectures suivantes. Nous les exposons avec toutes les réserves nécessaires, en attendant que des fouilles pratiquées systématiquement sous le sol de cette partie de l’édifice, viennent ou les confirmer ou les détruire.

Commencée avant 1065, l’église de Conques dut être construite tout entière d’un seul jet en peu d’années. Lorsqu’elle se terminait, l’architecte de Saint-Sernin, moins timide que son précurseur de Conques, avait donné à son œuvre plus d’ampleuf, en même temps que plus de luxe à son ornementation. C’est alors, pensons-nous, que, se piquant d’émulation, l’abbé de Conques voulut transformer son église et la rendre digne de lutter avec quelque avantage avec sa sœur de Toulouse. Il fit démolir le chœur, qui se terminait vraisemblablement, au droit des deux piliers carrés, ou par un chevet plat ou par une absidiole voûtée en cul de four; il fit aussi abattre les deux chapelles les plus rapprochées dû chœur. Puis on reconstruisit ces deux chapelles sur un plan plus profond; le chœur actuel fut élevé avec son déambulatoire surmonté de la galerie annulaire. On avait démoli aussi la partie supérieure des murs terminaux du transept, qu’on remonta en ménageant un oculus au-dessous duquel fut élevée à l’intérieur une colonne avec son chapiteau sans destination.

Sans doute il n’y a là qu’une conjecture, et il n’est pas inutile de faire connaître les bases sur lesquelles nous l’appuyons.

Remarquons tout d’abord que les fenêtres de toutes les parties que nous venons de désigner sont les seules de tout l’édifice qui sont invariablement couronnées de cordons de billettes, à l’exclusion des autres, qui sont plus anciennes. Celles même des chapelles les plus extérieures du transept en sont dépourvues.

Les colonnes et les chapiteaux des piliers du rond-point, avec leurs larges feuilles, d’un tout autre caractère que ceux de la nef et du triforium, sont identiques à ceux qui à l’extérieur ornent la surface de la galerie annulaire, et aussi à ceux qui séparent les baies extrêmes du transept.

Toutes les parties reconstruites sont en pierre de taille, saiis le mélange de moellons qui se remarque partout ailleurs.

Le banc, qui à l’intérieur fait le tour du déambulatoire, cesse de chaque côté au droit de la colonne carrée où commence la reprise. Les pierres sculptées qui forment ce banc, ainsi que les chapiteaux du déambulatoire et des chapelles du transept, visiblement plus anciens que les autres, semblent provenir d’un édifice antérieur, plus ancien même que la première construction de l’église actuelle. En faut-il davantage pour permettre d’affirmer une reconstruction de toute la partie du monument, en arrière d’une ligne droite tangente à la face postérieure des deux piliers carrés?

/152/ Toutefois nous croyons cette reprise de très peu d’années postérieure à la construction commencée par l’abbé Odolric. Le chœur de Saint-Sernin, nous l’avons dit, fut consacré en 1096. Le chœur et l’abside de Conques remonteraient donc à l’extrême fin du xie siècle ou aux toutes premières années du xiie siècle. Ils étaient à peine terminés lorsque le successeur d’Odolric entreprit, pour compléter son œuvre, la page magistrale qui couronne l’entrée principale de l’église.

De la même époque datent les deux portes qui s’ouvrent à l’ouest des deux bras du transept. Ici le travail est aussi peu dissimulé que possible, et le maître de l’œuvre n’a pris aucun soin de faire disparaître, derrière les pieds droits rapportés à l’extérieur, les traces de l’outil qui avait ouvert la muraille. Au-dessus de chacune de ces deux portes existait primitivement une fenêtre semblable à celle de la travée voisine. L’une des deux a été raccourcie à la partie inférieure par le bandeau qui surmonte la porte; l’autre a été remplacée par un oculus, sans toutefois que l’encadrement de la fenêtre ait cessé de subsister et de rester parfaitement visible.

A la muraille extérieure de l’église de Conques, de divers côtés, sont adossés neuf tombeaux, ou enfeux, uniformément abrités par une arcade supportant une toiture. Les arcades sont ou en plein cintre, ou ogivales, selon l’époque de leur construction. Plusieurs de ces tombeaux présentent des colonnes à chapiteaux finement sculptés, ou des modifions variés, ou des armoiries généralement trop frustes pour pouvoir être déterminées sans difficulté. On y voit aussi deux bénitiers de pierre, dont l’un est surmonté d’une croix en relief.

Celui des enfeux qui est placé contre la troisième travée méridionale de la nef, à l’endroit où aboutissait la galerie occidentale du cloître, a servi de sépulture au célèbre abbé Bégon III, qui a tant contribué à enrichir le trésor de l’abbaye. De chaque côté d’un bas-relief où le Christ bénissant occupe la place principale, on lit l’inscription suivante, en vers léonins et fort bien conservée.

En voici la lecture et la traduction:

150_HICESTABBAS

HIC EST ABBAS SITUS DIVINA LEGE PERITUS VIR DOMINO GRATUS DE NOMINE BEGO VOCATUS HOC PERAGENS CLAUSTRUM : QUOD USQUE TENDIT AD AUSTRUM BONA SOLLERTI CURA GESSIT ET ALTRA PLURA : HIC EST LAUDANDUS PER SECLA VIR VENERANDUS VIVAT IN ETERNUM REGEM LAUDANDO SUPERNUM

/153/ « Ici repose un abbé, versé dans la science de la loi divine, homme agréable au Seigneur; il se nommait Bégon. Il acheva ce cloître qui s’étend vers le midi, et mit ses soins diligents à faire nombre d’autres bonnes œuvres. Cet homme vénérable sera à jamais digne de louanges. Qu’il vive éternellement, en redisant la gloire du Roi suprême. »

Auprès de la porte du transept nord, une croix sculptée sur la muraille, et entourée de fleurons, semble encore indiquer l’emplacement d’une sépulture aujourd’hui disparue.

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[Note a pag. 150]

(2) La même singularité se remarque à Saint-Sernin de Toulouse. Torna al testo ↑

(3) Mérimée, op. cit. Torna al testo ↑