Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Premier

/489/ Latino →

XXVIII.

Comment sainte Foy opère de grands prodiges dans les synodes, et comment un enfant fut l’objet d’un quadruple miracle

Je ne dois pas non plus passer sous silence que, parmi les nombreuses châsses de saints qui, d’après la coutume de cette province, sont apportées dans les synodes, celle dej sainte Foy, occupant comme le premier rang, brille par la splendeur de ses miracles. Ceux-ci étant trop nombreux, nous n’en voulons pas grossir notre volume qui en deviendrait fastidieux; nous nous contenterons d’en rapporter deux seulement.!

Le très révérend Arnaud, évêque de Rodez (1), avait convoqué, pour ses seuls diocésains, un synode où furent apportées, par les diverses congrégations de moines où de chanoines, les châsses ou les statues d’or renfermant les corps des saints. La phalange de ces châsses était rangée sous des tentes et des pavillons, dans la prairie de Saint-Félix, située a un mille environ de la ville (2). Ce lieu était illustré par les majestés d’or (3) de saint Marius, confesseur pontife (4), et de saint Amans, aussi confesseur et pontife (5), par la châsse de saint Saturnin, martyr (6), par la statue d’or de sainte Marie, mère de Dieu (7), enfin par la majesté d’or dé sainte /490/ Foy. Il y avait en outre un grand nombre d’autres châsses de saints, qu’il est inutile d’énumérer ici. Dans cette occasion, la bonté du Tout-Puissant daigna glorifier sa servante par un miracle insigne que je choisis entre plusieurs autres.

Un jeune garçon, affligé dès sa naissance de quatre infirmités, aveugle, boiteux, sourd et muet, fut porté par ses parents au pied du trône élevé où l’on avait placé avec honneur la statue de la sainte. L’enfant s’y trouvait depuis une heure environ, lorsque, éprouvant l’effet de l’intervention divine, il se lève guéri de tous ses maux à la fois, parlant, entendant, voyant et marchant parfaitement. Comme la multitude faisait éclater des manifestations bruyantes à l’occasion d’un tel prodige, les vénérables membres du synode, qui siégeaient un peu plus loin, se demandèrent l’un à l’autre:

« Quelle est la cause de cette clameur populaire?

— Ce peut-il être autre chose, répondit la comtesse Berthe (1), que l’un des badinages habituels de sainte Foy? »

Lorsqu’on se fut informé, l’assemblée tout entière, remplie d’étonnement et d’allégresse, célébra unanimement les louanges divines. Et tous, dans l’ivresse de la joie, se plaisaient à répéter le bon mot de la vénérable comtesse au sujet des badinages de sainte Foy.

[Note a pag. 489]

(1) Arnaldus, évêque de Rodez (... 1025-1031) et successeur de Deusdedit IV qui n’est signalé que jusqu’en 1004. Il faut donc reculer de douze à quinze ans pour le moins la première date, indéterminée d’ailleurs, de l’épiscopat d’Arnauld, puisque l’historien des miracles écrivait ceci vers l’an 1012. Le synode dont il est ici question fut donc tenu entre l’an 1004 et l’an 1012. Torna al testo ↑

(2) Cette prairie est située au nord et au pied de la colline où s’élève la ville de Rodez. Saint-Félix devint le siège d’un prieuré, S. Vincent Ferrier y prêcha, en 1410. (L. Servières, Hist. de l’égl. du Rouergue, p. 309; – Bosc, Mém. p. 74; – Lunet, Histoire du collège de Rodez, p. 22.) Torna al testo ↑

(3) On donnait le nom de Majesté à la statue assise d’un saint, renfermant une relique insigne. Torna al testo ↑

(4) Saint Marius ou Mary, disciple de saint Austremoine, évêque de Clermont, était un des patrons de l’église et de l’abbaye de Vabres en Rouergue. La châsse dont il est ici question provenait probablement de ce monastère, fondé en 862. Torna al testo ↑

(5) Saint Amans, évêque de Rodez (401-445 environ) et patron du diocèse. La Majesté d’or de ce saint devait provenir du monastère fondé vers 600 autour de la basilique de Saint-Amans et sous le patronage de ce saint, à Rodez. Torna al testo ↑

(6) Apôtre et premier évêque de Toulouse et patron de l’abbaye de femmes de Saint-Sernin-lez-Rodez, aujourd’hui Le Monastère, sous Rodez. Cette abbaye, fondée au ixe siècle, avait fourni vraisemblablement la châsse mentionnée ici. Torna al testo ↑

(7) On peut présumer que cette statue d’or appartenait à la cathédrale de Rodez, dédiée à Notre-Dame; elle renfermait peut-être quelques-unes des reliques de la Mère du Sauveur que l’on conserve encore dans cette église. – A la suite de la statue d’or de la sainte Vierge, le manuscrit de Chartres ajoute la mention de la croix d’or de la vraie croix. Torna al testo ↑

[Nota a pag. 490]

(1) Berthe, comtesse de Rouergue, fille de Boson, marquis de Toscane, et nièce d’Hugues, roi d’Italie, était célèbre par sa beauté et sa piété. Veuve en secondes noces de Raymond II et mère de Raymond III, comte de Rouergue, elle survécut à ce dernier, qui mourut en 1010, (Cf. Bosc, Mém. p. 35.) Torna al testo ↑