Massaja
Lettere

Vol. 4

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Al presidente e ai membri del consiglio centrale
della Propagazione della fede – Lione

[F. 1r]Messieurs

Ambabo (Baie de Tadjoura) 27 Janvier 1868.

J’ai reçu à Ambabo (baie de Tadjoura) où je suis retenu depuis trois mois la lettre que vous avez bien voulu m’adresser en date du 31 Octobre, 1867. Je vous remercie bien affectueusement de la part que votre charité m’a faite dans l’allocation des aumônes de l’Oeuvre de la Propagation de la Foi; j’espère que la générosité des fidèles vous donnera les moyens de rétablir l’allocation précédente pour me mettre dans la possibilité de donner à mes travaux l’extension que des circonstances providentielles semblent solliciter.

/123/ Comme je l’ai indiqué plus haut, je suis à Ambabo, village situé dans le fond de la baie de Tadjoura, depuis le 1er Novembre de l’année dernière. J’ai avec moi deux missionnaires le P. Taurin vice-Préfet de la Mission et le P. Ferdinand; plus deux élèves de notre Collège de Marseille, âgés d’environ dix-huit ans que je ramène dans ma mission. Pendant ces trois mois et dans une situation misérable, j’ai dû lutter avec patience contre des difficultés de tout genre pour ne point laisser échapper une occasion que j’ai recherchée depuis vingt ans. La route qui va de Tadjoura au Choa par le désert des Adales est en effet la route directe aux pays Galla ou Ethiopie du Sud et par conséquent la voie naturelle de la Mission. Une fois que la route est ouverte et entourée d’une certaine sécurité, Notre Mission Galla entre dans des conditions normales: elle communique avec l’Europe, reçoit des Missionnaires, se développe graduellement au moyen des ressources qu’elle reçoit de l’extérieur.

Depuis vingt-cinq ans la politique du Roi de Choa d’accord avec celle des tribus Adales qui habitent le désert a été de fermer cette route à tout Européen. Comme vous le savez, la bienveillance de Ménélik le Souverain actuel a dérogé pour moi à la politique précédente et m’a accordé très gracieusement la liberté du passage que j’espère assurer pour l’avenir aux Missionnaires. Je n’ai rien épargné ni peines, ni privations, ni sacrifices pour aplanir les difficultés venant des tribus Adales. Pour traiter avec elles, je me [f. 1v] suis servi de l’intermédiaire d’Aboubeker, Sultan de Zeyla, qui est en rapport avec le gouvernement français. La situation avait été aggravée depuis trois ans par la guerre entre les Adals et les Somauli: ce qui rendait le passage impraticable, même pour les indigènes. J’ai dû attendre la ratification de la paix, formalité toujours très longue en ces contrées. La famine avait désolé le pays à la suite de la guerre et de la sécheresse, j’ai dû me montrer plus traitable par rapport à certaines exigences.

Du reste, il m’aurait été impossible de songer à une autre voie d’ici deux ou trois ans. L’Expédition Anglaise nous interdit présentement tout passage par l’Abyssinie du Nord, soit pour ne point mêler notre S.te Religion aux fracas des armes, soit pour ne point engager l’oeuvre de notre apostolat dans une responsabilité d’événements militaires dont les conséquences sont toujours plus ou moins odieuses aux peuples envahis.

L’Expédition Anglaise nous atteint pourtant dans un résultat pratique qui est de faire hausser d’une manière inouïe les moyens de transport sur toutes ces côtes. Pour vous en donner un exemple, qu’il me suffise de vous dire qu’un chameau livré à Zoulla à l’Intendance militaire est payé par contrat 100 Talaris. C’est à dire à peu près 530. fr.: livré sur la côte où nous sommes il est payé de 40 à 45 T. soit 212 à 240 f. au lieu de 10 T. ou 53 f. qu’il coûtait ici précédemment. Les habitants de la côte ont donc singulièrement augmenté leurs prétentions. Aussi tout compris, voyage, frais de séjour à Ambabo provisions de route pour un mois et plus, gratifications aux gens de l’escorte, présents aux chefs de tribu sur la route, bêtes de somme, /124/ devront nous compter une dépense de cinq à six mille f. Mais le but de ces dépenses est si élevé et les suites peuvent être si importantes que je n’ai point hésité me confiant pour l’avenir en la Providence de Notre Père qui est aux Cieux et dans la Charité des Fidèles, nos Frères d’Europe.

Arrivé dans les limites de mon Vicariat, je me propose de vous faire un rapport plus détaillé de ses ressources, de ses besoins et de ses espérances. Absent depuis quatre ans je ne saurais sur quelques renseignements incomplets, me faire à moi-même une idée exacte de la situation des choses, encore moins la donner aux autres.

Quant à la remise des fonds, ma mission a pour procureur spécial le T. R. P. Dominique actuellement Provincial des Capucins de France.

À la veille d’un voyage qui n’est pas sans dangers au milieu de peuplades musulmanes et sauvages, j’éprouve plus que jamais le besoin de me recommander moi et mes compagnons aux prières et suffrages des Associés de l’Oeuvre de la Propagation de la Foi, afin qu’il plaise à Notre Seigneur d’agréer nos faibles efforts [f. 2r] et de nous ouvrir comme le disait l’Apôtre une large porte pour la diffusion de notre Sainte Foi. Qu’il lui plaise de briser enfin cette muraille de l’Islamisme plus dure que le fer devant laquelle se sont tant de fois arrêtés les pas de l’homme apostolique: Puisse l’Ethiopie renouvelée dans la Grâce de N. S. devenir elle-même un foyer d’Apostolat pour le centre de l’Afrique.

Agréez, Messieurs, l’expression de ma reconnaissance et haute considération

Fr: G. Massaja Evéque

P. S. Le P. Taurin, V. Préf. apost. de la Mission Galla présente ses humbles respects à Messieurs les membres du Conseil central de l’Oeuvre de la Propagation de la Foi.