Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Premiere partie
Sainte Foy

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Chapitre IV
La passion de Sainte Foy et de Saint Caprais

C ’est dans la ville d’Agen que naquit sainte Foy, issue de parents nobles et illustres (1), Fille de cette cité par droit de naissance, elle en devint la patronne par le droit de sa mort glorieuse. Illustrée par la noblesse d’une race antique, elle fut encore plus glorifiée par les dons de Jésus-Christ.

« Parée du voile immaculé des vierges, elle fit éclater sa foi au Seigneur Jésus, et répandit le parfum de la douce modestie. La première dans sa patrie elle conquit la palme du martyre, et par l’exemple si éclatant d’une telle mort, elle devint la gloire de la cité. C’était l’échange /28/ d’une vie d’un jour contre une vie sans fin. Dès le berceau, elle aima le Seigneur Jésus-Christ et ne voulut point d’autre maître. Au temps de son martyre, elle était jeune par le nombre de ses années, mais la sagesse de l’âge mûr brillait dans toutes ses démarches. Eclatante était la beauté de son visage, plus éclatante encore la beauté de son âme.

« Lorsque le juge fut arrivé, il promit, selon la coutume, des biens et des faveurs aux adorateurs des idoles et menaça les chrétiens, s’il s’en trouvait, des tourments de la persécution. Alors le préfet, nommé Dacien (1), fit son entrée dans là ville, et aussitôt il donna l’ordre de rechercher la bienheureuse Foy et de la conduire en sa présence.

« Dès que la sainte fut saisie pour être emmenée par les iniques exécuteurs, elle adressa au Seigneur cette prière: Seigneur Jésus, qui en toute occasion ne manquez jamais de venir au secours de ceux qui sont a vous, assistez maintenant votre servante, et prêtez a ses lèvres des paroles de sagesse lorsque je devrai répondre a l’interrogatoire que je subirai en face de ce tyran. Puis elle trace le signe sacré de la croix sur son front, sut ses lèvres et sur son cœur. Armée de ce bouclier invincible, elle s’avance avec assurance et courage.

« Elle comparaît devant le préfet, et celui-ci lui adresse la parole avec une perfide douceur: Quel est ton nom? lui demande-t-il. La sainte, n’éprouvant ni terreur ni crainte, répond: Je m’appelle Foy. — Quelle est ta religion, quelle est ta foi(2)? — Je suis chrétienne dès ma plus tendre enfance, et je sers le seigneur Jésus-Christ de toute l’ardeur de mon âme. – Prends conseil de ta beauté et de ta jeunesse, renonce a cette religion, et sacrifie a Diane, dont le culte très sacré convient a ton sexe, et je te comblerai des plus précieuses faveurs. La Sainte, sous l’inspiration de l’Esprit-Saint dont elle était remplie, répondit: J’ai appris par l’enseignement de nos pères que tous les dieux des nations ne sont que des démons, et vous voulez me persuader de leur offrir des sacrifices! A ces mots, le préfet enflammé de colère: Puisque, dit-il, tu as eu l’audace de qualifier nos dieux de démons, sacrifie a ces dieux, sinon je vais te faire périr dans toutes sortes de tourments. Devant ces menaces, la bienheureuse Foy puise une force nouvelle dans la pensée du martyre, et, animée par l’ardent désir d’échanger cette misérable vie contre la gloire des cieux, elle s’écrie de l’accent le plus résolu: Pour le nom de mon divin maître Jésus-Christ, je refuse de sacrifier a vos dieux; me voici prête a subir tous les genres de supplices que vous m’infligerez.

/29/ « Le préfet alors outré de fureur: commande à ses satellites d’apporter un lit d’airain, y fait étendre le corps de la sainte, lié aux quatre membres; puis sur son ordre, on allume au-dessous un brasier pour torturer ce tendre corps par un tourment si cruel.

« Un tel spectacle arrache à la multitude des assistants ce cri unanime: O cruauté inouïe, o inique sentence! Cette vierge innocente honore Dieu et tient le premier rang parmi la plus illustjre noblesse; elle n’a jamais souillé sa bouche par une parole coupable et n’a jamais commis aucune action criminelle; pourquoi la soumettre a un tel supplice?

« Un grand nombre d’entre eux, dont nous n’avons pu connaître les noms, touchés par le spectacle de la constance de la bienheureuse Foy, se convertirent à la foi de Jesus-Christ et conquirent glorieusement la palme du martyre.

« Cependant le bienheureux Capraîs, l’élu de Dieu, avait quitté la ville devant le déchaînement de l’atroce persécution. Tous les chrétiens du pays erraient fugitifs, cherchant un asile dans les lieux déserts. Animé d’un zèle ardent pour le culte de son Dieu, il explorait avec une extrême sollicitude toutes ces retraites, lorsqu’il arriva en toute hâte sous une roche qui s’élève non loin /30/ de la cité, dans la direction du nord. Là, profondément pensif, il songeait dans son esprit troublé à tous ces événements. Or, tournant ses regards vers la cité, il aperçoit la bienheureuse Foy en proie aux atroces tortures des persécuteurs. Il lève alors les yeux vers le ciel, adresse au Seigneur les plus ferventes prières, et le conjure de donner la victoire à la bienheureuse Foy, sa fidèle servante, dans le combat qu’elle soutient. Une seconde fois, l’athlète du Christ, Caprais, lève les yeux et fixe le ciel dans une ardente contemplation où passait toute son âme, puis, de nouveau prosterné à terre, il demande au Seigneur de lui manifester sa volonté par un prodige.

« Alors il aperçoit, suspendue au-dessus de la bienheureuse Foy, une couronne resplendissante de mille feux et ornée de pierreries étincelantes et de perlés qui semblaient détachées du firmament. Puis une colombe descend des nues et pose la couronne sur la tête de la bienheureuse, et la sainte martyre se trouve parée d’un vêtement éclatant, plus blanc que la neige et plus resplendissant que le soleil. La palme du triomphe est assurée à la sainte, là couronne du salut est conquise par sa victoire.

« A la vue de cette manifestation merveilleuse de l’intervention divine entr’ouvrant les joies éternelles, le bienheureux Caprais, raffermi et désireux de n’être pas jugé indigne de partager cette même gloire, frappa de sa main là roche qui l’abritait. Aussitôt il en jaillit une source qui n’a plus tari jusqu’à ce jour. La puissance de Dieu a daigné attacher une telle vertu à cette eau salutaire, que tons ceux qui viennent avec une foi vive boire à la source de ce rocher, de quelque langueur qu’ils soient atteints, recouvrent la santé par l’intercession du saint martyr. Transporté d’allégresse, plein de courage, Caprais, à l’insu de tous, s’élance vers le lieu où la bienheureuse Foy subissait le supplice. Là on le voit tout à coup apparaître.

« Aussitôt le cruel persécuteur le fait comparaître en sa présence. Caprais, plein d’intrépidité, se présente avec assurance devant le préfet, et celui-ci lui demande son nom, sa patrie, son origine et sa qualité. Le bienheureux Caprais répond en ces termes: Voici d’abord mon titre le plus glorieux: Je suis chrétien. Régénéré par l’évêque dans le baptême, ou le nom que je portais reçut comme une ratification, je m’appelle Caprais(1).

« Le préfet, tentant de le gagner par de flatteuses promesses, lui dit: Je vois que vous êtes jeune encore et doué d’une beauté remarquable. Si vous vous rendez a mes discours, vous serez le premier dans le palais des princes, vous jouirez de leur amitié, et vous obtiendrez de grands /31/ biens. Docile à la voix des prodiges que le ciel avait opérés en sa faveur, le saint répondit: Tout mon désir est d’habiter le palais de celui qui a ma foi depuis le jour de mon baptême, et que j’ai appris a connaître comme le rédempteur de tous ceux qui croient en lui. – Je serai pour vous tel que lui, reprit le préfet; Ces faveurs et ces biens, vous les recevrez de moi. – J’aspire, répliqua le saint, aux biens impérissables de Celui qui est fidèle dans ses paroles et saint dans toutes ses œuvres.

« Dacien, voyant Caprais inébranlable dans sa résolution et dans ses réponses, se tourne vers les siens: Je redoute, dit-il, de discuter plusjlongtemps avec cet homme; en vain lassé je succomberais dans cette lutte. Alors il commande aux licteurs de le saisir et de déchirer ses chairs sans pitié. L’ordre est exécuté, mais le saint montre une grande force dans cette torture.

« Le spectacle de tourments si cruels, infligés à cette victime jeune encore, frappe de douleur la multitude entière des assistants: les larmes coulent de tous les yeux et l’on entend ce cri unanime: O cruauté, o jugement inouï! C’est que le bienheureux martyr avait su se faire chérir de tous, et son visage resplendissait de la beauté de l’ange.

« Rien ne put ébranler Caprais, ni les discours, ni les caresses, ni les supplices; rien ne put faire fléchir le courage du glorieux confesseur. Alors le préfet le fait conduire au temple pour y consommer son sacrifice.

/32/ « La double passion de saint Caprais et de la bienheureuse Foy fut couronnée par la gloire d’un même martyre: ils eurent la tète tranchée. Ainsi leur vie admirable, sainte et agréable à Dieu se transforma en une vie plus admirable encore et en une félicité sans fin, dans la société d’un commun martyre.

« Elle est vénérable et heureuse, nous le disons hautement, la cité d’Àgen qui a eu la gloire de donner naissance à de tels martyrs, d’avoir été le théâtre de leurs glorieux combats et de posséder leur tombeau.

« Nous célébrons leur passion par des réjouissances et des solennités, la veille des noues d’octobre (1), par la volonté et la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui est glorifié lui-même dans les saints, et à qui soient rendus honneur et gloire durant tous les siècles. Ainsi soil-il. »

[Note a pag. 27]

(1) Voir, aux Appendices, le texte de cette Passion. Torna al testo ↑

[Note a pag. 28]

(1) Au sujet du nom probablement inconnu de ce préfet, voir les Etudes critiques, p. 376. Torna al testo ↑

(2) Au sujet de cette demande et de la réponse qui précède, voir plus loin les Etudes critiques, p. 306. Torna al testo ↑

[Note a pag. 30]

(1) Au sujet du texte de cette phrase, voir les Etudes critiques, p. 410. – Les adultes qui demandaient le baptême donnaient leur nom et ne le recevaient pas. Torna al testo ↑

[Note a pag. 32]

(1) 6 octobre. Torna al testo ↑