Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Premiere partie
Sainte Foy

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Chapitre V
Les compagnons du martyre de Sainte Foy

Nous avons voulu éviter d’interrompre le récit authentique de la passion de notre sainte. C’est pourquoi nous avons réservé pour le présent chapitre les détails complémentaires qui nous sont fournis par divers documents dont nous aurons soin de caractériser la valeur.

Il était d’usage et de règle, dans les interrogatoires suivis de condamnation, chez les Romains, de faire précéder tout autre supplice par la flagellation ou les verges. C’est ainsi qu’il fut fait pour le divin Sauveur lui-même. On dépouillait le condamné, on le liait à un poteau, et les licteurs le battaient de verges ou bien le frappaient au moyen de lanières armées de balles hérissées de pointes. Tous les martyrs ont subi ce supplice préalable, bien que leurs passions négligent parfois de le mentionner. Il est donc très pro- /34/ bable que notre sainte le subit aussi bien que les autres confesseurs de la foi. C’est ce que nous affirme la version retouchée de la Passion, qui nous la représente guérie des coups qu’elle avait reçus du bourreau (1). Un vitrail de l’église de Sainte-Foy de Conches (Eure), exécuté vers l’an 1520, représente la sainte frappée de verges par le licteur (2). Dans un autre vitrail on voit la sainte au milieu d’un temple qui s’écroule sur les soldats auxquels elle était livrée pour être déshonorée (3).

Bien que la légende des célèbres vitraux de Conches n’ait aucune valeur historique, cependant il faut se souvenir qu’il existait une loi romaine d’après laquelle nulle vierge ne pouvait être condamnée à mort, à moins qu’elle ne fût auparavant déshonorée. Et les Romains, surtout les féroces persécuteurs, se seraient bien gardés d’oublier celte loi infâme. Dans les dernières persécutions, Tertullien en fait foi (4), les magistrats païens avaient prétendu donner aux vierges chrétiennes un lieu infâme pour prison, et le déshonneur pour supplice. Mais Dieu sut toujours préserver ses vierges, le plus souvent par des miracles qui amenaient plusieurs païens à la conversion. Nous ne citerons ici que les saintes Agnès, Irène, Darie, Théodora.

Le préfet d’Agen n’était pas homme à faire une exception en faveur de sainte Foy. Dans la même persécution, sainte Agnès, aussi jeune qu’elle, fut exposée dans un lieu infâme, et ne dut sa préservation qu’à une terrible manifestation du ciel.

Une autre merveille et une autre préservation, mais celles-ci mieux docu- /35/ mentées, se produisirent pendant que la sainte était étendue sur le lit d’airain. La colombe, que saint Caprais avait vu déposant une couronne sur la tête de la jeune martyre, étendit et secoua ses ailes avec un doux frémissement, nous dit la version retouchée de la Passion (1), et fit tomber une rosée qui éteignit complètement les flammes du bûcher et paralysa les effets du feu. La sainte martyre sortit de ce supplice saine et sauve, ne portant même plus trace des coups qu’elle avait reçus dans la flagellation. Cette préservation miraculeuse découle nécessairement de la suite du récit. La sainte survécut au supplice du feu, puisqu’elle eut ensuite la tête tranchée.

Le martyre de sainte Foy a dû en effet être entouré de plusieurs circonstances miraculeuses non rapportées dans sa Passion. Sans ces prodiges éclatants, comment s’expliquerait ce mouvement extraordinaire de conversions multipliées, cet entraînement dés nouveaux convertis vers le martyre? Il a fallu deux miracles pour décider l’évêque Caprais; il en fallait davantage encore pour ébranler des païens.

Un grand nombre de païens, dit le texte authentique de la Passion, touchés par le spectacle de la constance de la bienheureuse Foy, se convertirent à la religion dé Jésus-Christ, et conquirent la palme du martyre. Les Actes publiés par Surius et le Propre d’Agen de l’an 1670 portent leur nombre à cinq cents.

Alberte, la sœur de notre sainte, d’après une tradition, vient à son tour confesser la foi chrétienne (2).

Sur ces entrefaites apparaît le pasteur saint Caprais. La constance qu’il fait éclater au milieu des tourments entraîne deux jeunes Nitiobriges, païens jusque-là, les deux frères Prime et Félicien, qui se déclarent chrétiens et se joignent à la troupe des convertis (3).

Tous ces évènements s’étaient accomplis sur le forum, le lieu ordinaire où se déployait l’apparat des supplices devant la foule des spectateurs.

Alors, dit le Propre d’Agen, le préfet fait détacher la bienheureuse Foy du lit d’airain et la jette en prison avec saint Caprais et les saints Prime et Félicien (4). « Dacien, ajoutent les Actes retouchés, voyant la troupe des confesseurs de la foi affronter tous ensemble la mort, tenta une dernière fois de les détourner par les promesses et les menaces. Rien ne fut capable de les ébranler. Voyant qu’il ne pouvait vaincre leur résistance, il rendit enfin sa sen- /36/ tence et lès condamna à être traînés devant le temple pour y sacrifier ou avoir la tête tranchée. Les soldats de Jésus-Christ furent donc conduits avec la bienheureuse Foy au lieu du supplice. Là, ayant refusé de sacrifier, ils furent décapités, le même jour et à la même heure, et tous ensemble remportèrent la palme du martyre et conquirent la couronne de la gloire céleste (1). »

D’après ce document, la sainte reçut le coup de la mort dans un lieu différent du théâtre de sa passion sur le gril ardent. Elle fut condamnée à être traînée, du forum où elle avait été torturée, au temple des faux dieux, probablement à celui de Diane, comme nous l’avons dejà vu (2).

La décollation avait été réservée à sainte Foy, à sa sœur sainte Alberte et aux saints Prime et Félicien, comme aux personnages d’un rang plus élevé. Quant à la foule des cinq cents néophytes, les licteurs ne pouvant suffire à l’exécution d’un si grand nombre, la multitude des idolâtres, dit le Propre d’Agen, altérée du sang des chrétiens, enveloppe la phalange des prosélytes. Animés de la fureur de l’enfer, ils s’arment de pierres, de bâtons, de glaives, et frappent avec rage les victimes, qui ne se défendent pas. Les néophytes, purifiés par le baptême de leur propre sang, vont recevoir dans le ciel la couronne des martyrs (3). C’était le 6 octobre de l’an 303.

A la troupe des martyrs manquait le pasteur saint Caprais. Il avait été jeté en prison, et le préfet, honteusement vaincu en toute rencontre, même par des enfants, ne s’empressait pas de tirer le pontife de son cachot; ses espérances s’étaient évanouies. Enfin, après un délai de quatorze jours, il le fait comparaître de nouveau devant lui et le somme de sacrifier. Le saint ayant refusé, le préfet prononce la sentence. Le glorieux confesseur se prosterne pour adresser à Dieu sa dernière prière, et sa tète tombe sous la hache du bourreau.

Sa fête est célébrée le 20 octobre; celle de sainte Foy de 6 octobre; celle de sainte Alberte le 11 mars; celle des saints Prime et Féljcien le 7 octobre; celle de la foule des martyrs innommés le 26 octobre.

La motrice de cette révolution religieuse, l’instrument de tant de merveilles avait été une enfant, notre jeune sainte. Tant de glorieux martyrs furent comme le trophée de sa victoire. « Dieu se plaît à choisir ce qu’il y a de plus faible dans le monde pour triompher de ce qu’il y a de plus fort (4). »

[Note a pag. 34]

(1) Non tortorum ictibus laesam (Ms. de Schlestadt). Torna al testo ↑

(2) Bouillet, L’église Sainle-Foy de Conches et ses vitraux, p. 54. – Cf. Darcel, Le trésor de Conques, p. 47. Torna al testo ↑

(3) Bouillet, op. cit., p. 56. Torna al testo ↑

(4) Apologet. Torna al testo ↑

[Note a pag. 35]

(1) Ms. de Schlestadt. Torna al testo ↑

(2) Au sujet de sainte Alberte, voir plus loin les Etudes critiques, p. 407. Torna al testo ↑

(3) Propre de 1670, 6 oct. – Propre de 1727, 13 oct. – Voir l’Etude critique, p. 411. Torna al testo ↑

(4) Id. – Les deux Propres ajoutent que les deux saints demeurèrent en prison durant quinze jours; ce qui n’est exact que pour saint Caprais, martyrisé le 20 octobre, . Torna al testo ↑

[Note a pag. 36]

(1) Ms. de Schlestadt. Torna al testo ↑

(2) Propre de 1670, 20 oct., ex veter. breviar. Parisiens., Lemovic., Aginn. et aliis. – Propre de 1727, 26 oct., ex traditione et hist. Aginn. et antiq. Propr. Aginn. etc. Torna al testo ↑

(3) Le théâtre de la décollation, par conséquent le temple de Diane, aurait été situé au lieu même où l’on voyait naguère l’église de Sainte-Foy, construite sur l’emplacement de la basilique élevée par saint Dulcidius. Nous verrons plus loin que le choix de l’emplacement de cette basilique a été déterminé, selon l’usage de ces temps, par le souvenir du martyre. Torna al testo ↑

(4) I Cor., I, 27. Torna al testo ↑