Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Premier
/479/ Latino →
XXI.
D’un pèlerin qui voulut offrir de l’or en échange d’une bague qu’il avait fait vœu de donner.
Un jeune homme de l’Auvergne, nommé Guillaume, s’était engagé par vœu, sous le coup d’une peine imminente et cruelle, à donner à sainte Foy une bague précieuse, dans laquelle était enchâssé un magnifique jaspe. L’événement lui ayant été favorable au delà de ses espérances et tout ayant tourné à son gré, il se rendit à Conques pour accomplir son vœu. Il s’approcha de la Majesté de la sainte; /480/ mais pensant qu’il pouvait racheter le bijou en offrant en échange un autre objet, il donna trois pièces d’or à la place de la bague. Puis il s’en retourna. Arrivé à la distance de six milles, il se sentit tout à coup accablé parle sommeil: il s’étendit sur le sol et dormit quelques instants. A son réveil, il ne trouve plus à son doigt la bague qui ne l’avait pas quitté jusque-là. Il touille ses compagnons, mais sans succès; il cherche dans ses propres vêlements, mais en vain; il détache même sa ceinture, pensant que la bague en tombant se sera glissée sous ses vêlements; il n’est pas plus heureux. Que faire? Chagrin et confus, il remonte à cheval et revient en toute hâte auprès de la sainte. Prosterné au pied de sa statue, il épanche ainsi, d’une voix pleine de larmes, sa plainte de la perte du bijou:
« O sainte Foy, pourquoi m’avez-vous enlevé mon anneau? Rendez-le moi, je vous en supplie; agréez comme une satisfaction le recouvrement de cet objet dont je vous fais entière donation, et il ne sera plus perdu pour moi, mais retrouvé. Je l’avoue, j’ai péché contre Dieu et contre vous; mais, ô sainte dame, détournez vos regards de ma faute, pour les diriger vers votre bonté et vers votre clémence accoutumée. Ne jetez pas un pécheur dans l’abîme de la tristesse, mais accordez-lui le pardon et un retour joyeux vers son pays. »
Tandis qu’il adressait ainsi, et avec d’autres semblables discours, ses instances à la sainte, il abaisse ses regards vers le sol. Chose merveilleuse, mais digne de foi pour un cœur fidèle, il aperçoit la bague sur le pavé. Il la saisit aussitôt et /481/ la restitue à la sainte avec une joie extrême. Les assistants furent remplis d’admiration en voyant la puissance de sainte Foy éclater à l’occasion d’objets de si peu d’importance.