Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Premier

/481/ Latino →

XXII.

D’une dames qui s’était emparée d’un anneau qu’une autre en mourant avait légué à sainte Foy.

Il est un petit lieu fortifié, contigu au bourg de Conques, qui avait naguère pour seigneur, sous la suzeraineté des moines, un homme nommé Austrin (1), dont nous avons mentionné dejà le fils. Le miracle que nous allons raconter a été opéré à notre époque même.

La femme d’Austrin, appelée Stéphanie, avait légué en mourant son anneau à sainte Foy. Son mari, en épousant sa nouvelle femme, Avigerne, lui mit au doigt cette bague, regardant les dernières recommandations de sa première épouse comme les paroles d’une mourante en délire. Quelque temps après, par un juste châtiment du ciel, ce doigt, qui par suite d’une coupable négligence, portait avec ostentation une parure qui ne lui appartenait pas, enfla douloureusement, au point que l’anneau fut presque entièrement enseveli dans les chairs tuméfiées et qu’il était impossible de le couper avec le tranchant du fer sans entamer le doigt. Les médecins furent appelés pour réduire la violence de ce mal, mais leurs remèdes furent impuissants. La douleur étant devenue absolument intolérable, on eut recours à l’assistance du Ciel. Les coupables confessèrent ouvertement leur faute, et la femme épuisée par la souffrance fut amenée au tombeau de la sainte martyre. Après avoir persévéré deux nuits dans la sainte veille, elle y consacra encore une troisième, celle qui précédait le dimanche. Dans cette dernière, la douleur devint si violente que la dame ne cessa, durant la nuit entière, de pousser des cris lamentables. Enfin, lorsque retentit le chant de Matines, la miséricorde divine, descendant du trône sublime où siège la majesté souveraine, daigna visiter l’infortunée et ne permit pas à des souffrances si cruelles de torturer plus longtemps cette humaine nature, et aux larmes du repentir d’arriver jusqu’au désespoir. Au moment même où la dame en pleurs s’essuyait le visage de son mouchoir, l’anneau, sans blesser le doigt, fut projeté violemment, comme s’il avait été lancé par une arbalète, et roula sur le pavé avec un son prolongé. A cette occasion, les habitants du bourg firent éclater, en ce jour de dimanche, les plus vives réjouissances, pour célébrer la guérison de leur voisine et compatriote, arrachée à une telle torture par l’intervention de sainte Foy.

L’on raconte, de tous côtés, dans toutes les parties du monde, d’innombrables miracles de ce genre, opérés par sainte Foy; il est impossible d’en écrire ou même d’en faire le récit. Ni l’écriture ni la parole ne suffisent à retracer les grands prodiges de notre sainte.

[Nota a pag. 481]

(1) Austrin de Conques et Avigerne, sa femme, figurent dans diverses pièces du Cartulaire (nº 23, 32, 33, 196, 365, 366) comme des bienfaiteurs ayant légué des dons innombrables à l’abbaye. Il sera encore question d’Avigerne au en. XX du liv. IV, et de son fils Austrin au ch. X du liv. II. – Cet oppidulum, contigu au bourg de Conques, petit lieu fortifié ou petit château, serait-il Montignac, jadis chef-lieu d’une vicairie carolingienne et dont l’église avait été donnée à l’abbaye par Louis le Débonnaire? Torna al testo ↑