Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Troisième

/527/ Latino →

Ici commence le Livre troisième des miracles de sainte Foy, vierge et martyre.

I.

De l’épouse d’un gentilhomme qui fut arrachée à la mort.

C’est par une opération de l’Esprit-Saint que les merveilles les plus étonnantes et les miracles les plus bienfaisants ne cessent d’éclater aux tombeaux des saints et que l’illustre vierge et glorieuse martyre de Jésus-Christ, brillant dans l’immensité du monde entier par l’éclat de ses prodiges, comme on l’a vu clairement dans les livres précédents, écrits par Bernard, parcourait toutes les régions de l’univers et ne /528/ refusait à personne sa faveur et ses bienfaits. Nul de ceux qui étaient dans l’épreuve n’a été privé de son assistance quand il l’a invoquée avec l’ardeur de la foi et la confiance de l’amour. Mais à quoi bon tant de discours? Ne tardons pas davantage à entrer dans le récit des faits réduits à leurs traits principaux.

Dans le pays de Normandie vivait, à cette époque, un chevalier des plus illustres par la noblesse de sa lignée et des plus puissants par l’élévation de sa dignité: Roger était son nom. Sa noble épouse, appelée Goteline, atteinte d’une maladie très grave, se trouvait dejà aux portes de la mort. Par l’ordre du grand prince Richard (1), les principaux seigneurs, plongés dans la douleur, se rassemblèrent autour de la mourante qui était comme le chef de toute la noblesse, et, ayant reconnu sur son visage, par un examen attentif, tous les signes d’une mort certaine, ne songeaient qu’à s’entretenir de l’ordre de ses obsèques. Tout espoir de retour à la vie étant perdu, un évêque, inspiré sans doute d’en haut, tint le discours suivant au chevalier Roger:

« La renommée nous a appris naguère que, dans la province d’Aquitaine, une grande sainte, vierge et martyre, nommée Foy, s’illustre par les prodiges les plus éclatants et les plus inouïs. Si vous consentez à vouer votre épouse au pouvoir bienfaisant de cette sainte, j’ai la confiance qu’elle l’arrachera aux étreintes de la mort et vous la rendra entièrement guérie et pleine de santé. »

Le chevalier, dans l’ardeur de son désir de la guérison, s’empressa de déposer un gage entre les mains du prélat, voua son épouse à la sainte martyre et s’engagea à conduire la dame à son sanctuaire, si elle recouvrait la santé, et à y offrir de riches présents. Quelques moments après, la dame pousse un profond soupir, comme si elle sortait d’un long sommeil léthargique, ouvre les yeux et promène ses regards interrogateurs autour d’elle, en les portant attentivement sur tous les visages. Enfin elle demande quelle est la cause de ce rassemblement des seigneurs auprès d’elle; puis, sentant la chaleur circuler peu à peu dans ses membres que la mort avait glacés tout à l’heure, elle les met en mouvement et recouvre pleinement la santé, par la puissante intervention de la sainte martyre. Mais, comme un grand nombre de personnes, victimes des violences de son mari et exilées de! son territoire, tramaient sa mort, elle craignit de s’exposer à leurs embûches et ne put se rendre au tombeau de sainte Foy. Elle se contenta d’élever une église en l’honneur de la sainte; elle laissa ainsi aux siècles futurs un monument qui glorifiera éternellement la mémoire auguste de l’admirable guérisseuse.

[Nota a pag. 528]

(1) Probablement Richard II, dit le Bon, duc de Normandie (996-1027); Roger et son épouse Goteline sont vraisemblablement Roger Ier de Tosny et sa femme Godehilde. Cette dernière, après avoir eu plusieurs enfants de Roger, épousa en secondes noces le comte d’Evreux (Cf. Gall. christ. XI, instr. col. 130). Roger s’était rendu, l’an 1034, en Espagne, au secours du roi d’Aragon. A son retour, il avait construit l’abbaye de Châtillon. L’église que fit construire Goteline après sa guérison était sans doute celle de → Conches-en-Ouche Conches, chef-lieu de canton de l’arrondissement d’Evreux, Eure; la ville naissante semble avoir emprunté son nom à Conques, Conchae. Reconstruite au xve siècle, l’église de Couches est encore sous le vocable de sainte Foy. (Cf. Dr Semelaigne, Essai sur l’hist. de Conches. – A. Bouillet, L’église Sainte-Foy de Conches et ses vitraux.) Torna al testo ↑