Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Quatrième

/572/ Latino →

XIV.

D’un chevalier qui recouvra deux fois la vue.

Guillaume, du château qui porte le nom de Carlat (3), chevalier d’illustre naissance et vaillant à la guerre, avait reçu à la tête une blessure d’où résulta une fluxion des yeux qui lui fit perdre complètement la vue. Il fut guéri par /573/ l’intervention de sainte Foy. Or, un jour, un homme d’armes, dans une querelle, avec un de ses serviteurs, ayant visé de la pointe d’un bâton l’œil de ce dernier, Guillaume se jeta entre eux pour les séparer et reçut dans l’œil le coup destiné à un autre. Sa bonne action eut un résultat désastreux. Le coup fut si violent, que le sang jaillit aussitôt de la blessure et qu’une douleur cuisante de la tête obligea le seigneur à demeurer couché sans ouvrir les yeux. En proie aux plus vives souffrances, désespérant de sa guérison, il recourut à son refuge accoutumé et implora ainsi le secours de sainte Foy, avec les plus ardents soupirs:

« O illustre sainte Foy, vous qui surpassez dans l’art de guérir les médecins les plus renommés, pourquoi avez-vous permis qu’il m’arrivat un accident si cruel? Ne deviez-vous pas protéger d’un tel malheur cet œil auquel vous aviez rendu la lumière? Que m’a servi de recevoir de vous un bienfait si cruellement ravi? Puisque vous l’aviez ainsi permis, rendez-moi ce que vous m’aviez donné. O bienheureuse vierge, si digne de toute louange et si compatissante pour les misérables, n’abandonnez pas votre protégé, dans ce malheur que vous seule pouvez réparer. Jetez sur moi un regard de compassion, prêtez l’oreille à ma prière, ayez encore une fois pitié de mon malheur, et que l’onction de votre charité rende de nouveau la vue à mes yeux éteints. »

Après cette douce plainte, il protesta qu’il ne prendrait ni breuvage, ni nourriture, jusqu’à qu’il eût frotté ses yeux avec de l’eau, bénite au contact de la Majesté de sainte Foy. Aussitôt un de ses serviteurs s’empresse de courir à Conques, qui était éloigné d’un jour de chemin, et revient en toute hâte vers son maître. Dès que Guillaume eût répandu sur ses yeux le liquide béni, la douleur de la tête se calma subitement, mais les yeux demeurèrent toujours plongés dans les ténèbres. C’était sept jours avant la solennité de sainte Foy. Guillaume se rendit aussitôt auprès de la sainte et veilla pendant les nuits à son tombeau, priant avec ferveur.

Le jour même de la fête, après la célébration du saint sacrifice, l’aveugle, conduit par un guide, se retirait de l’église, lorsqu’il lui sembla apercevoir les assistants, – comme à la lueur douteuse du crépuscule; mais il ne les distinguait pas encore clairement. Aussitôt il retourne à l’autel, se prosterne au pied de la Majesté de la sainte, et là peu à peu ses yeux recouvrent graduellement la lumière et enfin distinguent clairement tous les objets. La foule des assistants fait alors éclater son admiration par des chants de triomphe en l’honneur du Seigneur et de sainte Foy, et s’estime heureuse d’avoir été témoin d’un tel prodige.

[Note a pag. 572]

(3) Carlat, Carlatum, commune du canton de Vic, arrondissement d’Aurillac. Le château de Carlat appartint longtemps aux comtes de Rodez (Bosc, Mém. p. 80). Il a donné le nom de Carladez à la région qui l’environne et qui était à cheval sur le pagus Rutenicus et le pagus Arvernicus. Torna al testo ↑