Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Quatrième

/573/ Latino →

XV.

D’une veuve qui était aveugle.

O grand Pontife saint Front (1), vous êtes nommé à juste titre le prince et la gloire de l’Aquitaine. O homme apostolique, disciple de Pierre, vous avez, le premier, porté les enseignements de votre maître aux extrémités de l’Hespérie. /574/ A votre voix, les dogmes saints brillent d’un nouvel éclat, les autels des faux dieux sont délaissés, et les temples du vrai Dieu rayonnent de gloire. Il ne convient pas que votre nom glorieux soit absent de ce livre qui glorifie notre illustre vierge dans le monde entier, puisque vous avez daigné enrichir ce recueil de vos propres dons, en lui faisant part de vos puissantes œuvres, de vos prodiges étonnants; et d’ailleurs elle est bien la vôtre cette maison que notre sainte glorifie par ses merveilles.

Une femme de ce pays (1), inconsolable de la perte de son époux, versait tous les jours des larmes si abondantes, que ses yeux noyés en perdirent totalement la vue. Pour la recouvrer, elle visita de nombreux sanctuaires de saints; ce fut en vain. Il y avait neuf ans qu’elle était aveugle. Elle avait épuisé vainement tous les remèdes. Or, une nuit, elle reçut en songe l’avis d’entreprendre le pèlerinage de Sainte-Foy; elle y recevrait aussitôt la grâce qu’elle avait en vain demandée ailleurs. A son réveil, docile à l’avertissement, elle accomplit l’ordre reçu et se rend à Conques en compagnie d’autres pèlerins. La nuit, dans l’hôtellerie, elle implorait avec ferveur l’assistance de la sainte, lorsque tout à coup elle sent sa tête saisie d’une douleur comme d’une intolérable migraine et d’un vertige semblable à celui de l’ivresse, qui causait une vive souffrance à ses tempes et à son front, et lui procurait une incessante agitation sur sa couche. Alors elle se fait conduire par un enfant dans l’église de la sainte. Là elle répand un torrent de larmes; mais ô surprise! ces larmes sont du sang qui jaillit abondamment de ses yeux et rougit le pavé de la basilique. Lorsque le flot en fut épuisé, un rayon de lumière frappa ses yeux; peu à peu elle distingua les objets qui se trouvaient dans l’église. Avant le coucher du soleil, sa vue était devenue entièrement claire. Alors elle rendit de vives actions de grâces au Seigneur et à sa sainte martyre. Entraînés par son exemple, les assistants y joignirent les acclamations de leurs louanges; l’allégresse de son cœur, à la suite d’un tel bienfait, se changea en une allégresse générale.

C’est ainsi, ô vénérable père (2), que notre vierge vous rendit lentièrement guérie votre fille, privée de la lumière par l’amertume de la douleur et du regret. Nous vous saluons, ô gloire des pontifes; nous vous rendons grâce du présent inestimable que vous avez fait à la sainte, votre compagne céleste. Comme la topaze enchâssée prête son éclat à l’or, ainsi cette perle, dont vous nous avez fait préserit, enrichit l’écrin de ce Panaretos(3). Régnez à jamais dans le Seigneur au plus haut des cieux, en compagnie de notre illustre vierge.

[Nota a pag. 573]

(1) La tradition locale, constatée dès le ixe siècle, réclame pour fondateur du siège de Périgueux, saint Front, dont la date est indéterminée (Cf. L. Duchesne, L’origine des diocèses épiscopaux dans l’ancienne Gaule, ap. Mém. de la Soc. des Antiq. de France, 18S9, p. 366). Notre auteur admet cette tradition et aussi celle qui fait de saint Front l’un des soixante-douze disciples du Christ, attaché ensuite à saint Pierre, puis envoyé en Gaule par le chef des Apôtres ou par saint Clément. Torna al testo ↑

[Note a pag. 574]

(1) Le Périgord. Torna al testo ↑

(2) Saint Front. Torna al testo ↑

(3) Voir le Prologue du livre III. Torna al testo ↑