Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Supplément 1 – Manuscrit de Conques

/590/ Latino →

II.

D’un chevalier qui périt par l’épée en dévastant une terre de la vierge sainte Foy.

Puisque notre glorieuse martyre ne se lasse point de multiplier les merveilles, nous nous enhardissons, confiant en sa protection, à nous élever jusqu’à la tâche /591/ d’historien, bien que l’amour qui nous anime pour cette vierge si illustre soit à peine capable de tirer de la source aride de notre faible esprit une seule goutte d’eau. C’est que les œuvres de notre sainte sont empreintes d’un tel charme, que le cœur est connue inondé d’ineffables délices par leur récit. Plus on les entend raconter, plus on aime à écouter de si hautes merveilles. Dans ces gestes de la grande sainte on voit éclater et la splendeur des merveilles, et le reflet d’une si haute sainteté, et la souveraine édification de toutes les âmes. Quel est en effet le cœur si endurci qui ne se sente pénétré de componction pour ses péchés, à la lecture de mes récits?

L’injuste ravisseur, dont nous avons raconté l’histoire, allait être condamné à un terrible châtiment; et, sans l’intervention des deux princes du ciel, il était sur le point d’être précipité par la vierge sainte Foy dans les abîmes éternels. Moins heureux, le héros! du récit qui va suivre ne fut pas trouvé digne de la protection d’un seul défenseur; il dut subir le terrible châtiment qu’il avait mérité.

Arnald était son nom; il habitait l’Agenais, d’après la relation certaine de nombreux témoins. Sa belle-fille avait donné des terres à sainte Foy; il eut l’audace de les envahir brutalement et de les annexer à ses propriétés. Pour comble d’impiété, il se faisait un plaisir de ravager les terres que sainte Foy possédait près de ses domaines et d’en enlever récoltes et mobilier, comme un butin conquis. Bien plus, cet audacieux violateur eut la témérité d’envahir l’église de Saint-Michel, située sur la colline des Cailles (1), propriété de sainte Foy, et, poussé par une fureur sacrilège, il s’empara de tonneaux de vin, déposés en ce lieu sous la garde de la sainte, et les transporta pans ses caveaux. Le religieux, nommé frère Déodat (2), que ses supérieurs avaient établi gardien de ce lieu, ressentit un profond chagrin de ce sacrilège. Ii en fit parvenir la nouvelle à l’abbé et aux autres dignitaires, et les supplia humblement de recourir à l’invocation de sainte Foy. Mais, comme la peine et l’inquiétude assiégeaient son cœur de plus en plus vivement, sa sainle patronne lui apparut en songe, la nuit suivante, et lui dit:

« Dépose tout trouble et toute crainte; le Seigneur, touché par vos prières, vous rendra la sécurité en frappant l’ennemi d’une mort soudaine. »,

Fortifié et consolé par cette vision, il s’empressa, dès le matin, de communiquer la révélation de la sainte à ses frères abattus par la même peine. L’effet ne se fit pas attendre. Arnald étant sorti avec ses hommes, à la faveur des ombres du crépuscule, pour se rendre en je ne sais quel lieu, fut aperçu par son ennemi Isarn, qui l’avait guetté toute la nuit dans une embuscade. Arnald étant tombé aveuglément sur le parti d’Isarn, celui-ci lui blesse un grand nombre d’hommes, fait les autres prisonniers, et se jette à la poursuite d’Arnald qui s’efforce de se réfugier dans la terre même de sainte Foy, objet de ses déprédations. C’est là que, par un juste châtiment de Dieu, le fugitif est frappé par le glaive de son ennemi; c’est là qu’il périt misérablement, en punition de ses crimes. Telle jadis la scélérate Jézabel, jetée en proie à des chiens furieux, inonda de son sang la vigne de Naboth qu’elle avait eu la témérité d’envahir criminellement, après en avoir fait mourir le possesseur (3).

[Note a pag. 591]

(1) Le Cartulaire fait mention (n° 49) d’une église de Salnte-Foy-des-Cailles, qui existe encore auprès du château de Penne, commune et canton de Penne, arrondissement de Villeneuve, Lot-et-Garonne. Torna al testo ↑

(2) Ce Déodat est mentionné sous le nom de Deusdet, au début du chapitre suivant du manuscrit de Conques: c’est le ch. XXII du IVe livre (V. plus haut, p, 581). Torna al testo ↑

(3) IV liv. des Rois. ix, 33, 26. Torna al testo ↑