Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy

/589/ Latino →

Supplément

1º Récits spéciaux au manuscrit de Conques (1)

I. (2)

Dès que la vierge sainte Foy lui eut accordé son pardon et l’eut ramené dans ce séjour de l’humaine malice, il ouvrit ses yeux que là mort avait éteints et, retrouvant ses forces, il s’écria d’une voix entrecoupée de soupirs et de larmes:

« Malheureux, que faisons-nous?. Pourquoi nous laissons-nous séduire par les misérables charmes de ce monde? Ce, que nous voyons c’est le néant; ce que nous ne voyons pas c’est la vraie réalité. Oh! comme l’attrait de ces vanités passagères nous cache les pièges semés sous nos pas, et comme notre orgueil prépare notre perte! Rien ne nous reste; nos seules œuvres nous accompagnent. Cette aveugle cupidité, qui, se déchaînant sans frein, nous précipite dans toutes sortes d’abîmes, par quels atroces supplices elle est châtiée, au milieu des plus cruelles flammes! O chers amis, détournez-vous de cette-peste mortelle; ne vous laissez point séduire aveuglément par ses charmés trompeurs, si vous né voulez perdre les biens /590/ de l’éternelle vie, récompense des seuls justes. Venez à mon secours, de grâce. J’étais sur le point d’être précipité par la glorieuse sainte Foy dans l’éternel abîme, lorsque j’ai été sauvé par l’intervention miséricordieuse des deux princes du ciel, l’archange saint Michel et l’apôtre saint Pierre. J’avais volé, il-y a trois jours, la génisse d’un villageois. Sainte Foy, prenant en mains les intérêts de son protégé, plaida en sa faveur; je fus mis en accusation; personne ne se présenta pour me défendre. Ma cause, aggravée par le vol des écus que j’ai enlevés injustement aux parents du défunt, ayant été perdue, la sainte était sur le point de me faire condamner à la peine de l’enfer. Mais, grâce à l’intercession des deux grands saints, j’ai obtenu de reparaître à la vie devant vous, afin que je puisse réparer le dommage que j’ai causé et l’offense que j’ai faite. Dans la crainte que vous ne veniez à oublier et à négliger cette réparation de mes crimes, j’implore votre pitié, dont j’ai éprouvé les heureux effets depuis mes premiers ans. Si vous n’exercez envers moi cette miséricorde, vous m’exposez à une perte irrévocable et éternelle. Quant à vous, je vous en avertis, gardez-vous de pareilles fautes, de crainte de subir une mort imprévue et de tomber dans l’abîme de la perdition. Si vous négligez cet avis, vous tomberez dans cet abîme, vous serez précipités dans l’océan de soufre, et votre perte sera irrévocable. Aimez la justice, évitez l’avarice, parlez selon la vérité, gardez la paix et que nul d’entre vous ne cause aucun mal à son prochain. Si vous agissez ainsi, vous serez heureux. »

Puis, afin de leur donner une idée de l’horreur de son épouvante, il leur fit un tableau complet de tout ce qu’il avait vu; et les profonds soupirs de sa poitrine oppressée attestaient les vives impressions de sa terreur. Il ne se lassait point de les presser d’éviter la convoitise des biens de ce monde; il les adjurait, en versant des larmes abondantes, de se contenter de leurs possessions et de ne plus enlever injustement le bien d’autrui. Il protestait qu’il n’était revenu dans ce monde que pour les reprendre de leurs mauvaises actions, en se donnant lui-même comme un terrible exemple du sort réservé aux pécheurs.

Quand il eut terminé ces paroles, suivies de bien d’autres exhortations, il fit donation à la vierge sainte Foy, en fief perpétuel, d’une partie de ses biens fonds, à l’intention d’obtenir le pardon de ses péchés. Ses amis confirmèrent l’acte par leur caution. De plus, en réparation de la mort déplorable du villageois et du rachat injuste opéré par les parents, il stipula, d’après l’estimation des prêtres, la restitution d’une somme prélevée sur ses biens, dans le but de mériter l’absolution de son crime et de se libérer des terribles expiations de la justice divine.

Après avoir reçu la grâce de l’absolution, il ne tarda pas, de crainte de retomber dans de plus grandes fautes, à rompre les liens qui le retenaient dans cette misérable vie et, sur l’ordre de Dieu, il s’envola en toute liberté vers le ciel.

Si quelqu’un élève jamais quelque doute sur ce récit, qu’il sache bien que nous le tenons de ceux qui ont affirmé en avoir été les témoins.

[Note a pag. 589]

(1) Voir plus haut, p. 430. Torna al testo ↑

(2) Ce qui subsiste du manuscrit ne commence qu’à cet endroit. Ce fragment de chapitre pourrait être intitulé: Résurrection d’un valeur. Torna al testo ↑