Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Supplément 2 – Manuscrit de la reine de Suède

/595/ Latino →

II.

D’ue jeune fille qui fut l’objet d’un miracle semblable.

Naguère une jeune fille affligée du même mal nous fut amenée par ses parents, qui venaient implorer en sa faveur l’intervention de sainte Foy. Ayant entendu célébrer les merveilles de la sainte, ils avaient résolu avec une ferme confiance d’expérimenter son pouvoir, et ils recouraient à son intercession. Les premiers jours, la possédée ne cessa de se livrer à sa fureur; elle échappait fréquemment à tous pour se réfugier dans des retraites où elle se tenait cachée. Ses protecteurs et ses amis finirent par la délaisser; elle leur causait de tels ennuis, comme il arrive ordinairement en pareil cas, qu’ils abandonnèrent sa guérison au céleste médecin.

Sa fureur était si violente qu’une femme de sa parenté se vit obligée de se retirer. Souvent, comme nous en avons été plusieurs fois témoins, la possédée se présentait à l’improviste devant cette femme et menaçait de l’écraser sous les pierres qu’elle lui lançait. S’étant ainsi réduite à l’isolement le plus absolu, elle se tourmentait elle-même de mille manières et courait comme une insensée à travers les bois et les rochers des environs. Un jour cependant une force divine la poussa vers la basilique. C’était le second samedi qui précède la fête de Pâques. Se trouvant accablée de fatigue et comme anéantie par une faiblesse générale, elle prenait quelque repos dans l’enceinte sacrée, lorsque tout à coup, devant la nombreuse assistance, elle vomit une quantité de sang et, brisée par cet effort, demeura gisante à terre comme morte.

Quand on la vit reposer si profondément, on poussa des acclamations de /596/ toutes parts: nous commencions tous à publier hautement sa délivrance par l’intercession de sainte Foy. Réveillée par ces clameurs, elle se relève de terre et, levant les mains vers le ciel, elle pousse des cris stridents qui glacent d’horreur toute l’assistance. Alors les manifestations d’allégresse se changèrent en signes de confusion et de tristesse. La possédée ne cessait d’exhaler bruyamment sa fureur; elle fut alors chassée du lieu saint: personne ne pouvait supporter le spectacle de ces horribles accès. Après ces cris épouvantables, elle recouvre tout à coup le calme, s’assied tranquillement au milieu de nombreux témoins, dans une dépendance de l’église, et, transformée par la joie, se sent entièrement délivrée. C’est ainsi que souvent l’esprit immonde, lorsqu’il est forcé de sortir du corps des possédés, signale sa défaite par un redoublement de fureur qui jette ses victimes hors d’elles.

Le cœur rempli d’une vive allégresse, la jeune fille guérie se sent attirée vers le lieu saint; elle comprend qu’elle doit y rentrer pour rendre ses actions de grâces à sa sainte bienfaitrice. Elle se lève et arrive devant la porte que l’on désigne sous le nom de Grille de fer; elle en trouve la serrure fermée, comme c’est l’ordinaire. Alors du fond du cœur elle invoque l’appui de sainte Foy, et aussitôt, par un effet miraculeux de la volonté ilivine, la porte s’ouvre d’elle-même. A la vue du /597/ double prodige, le peuple fait éclater unanimement son allégresse et acclame de toutes ses forces un fait si merveilleux. Quant à nous, nous célébrons avec transport les louanges du Roi de gloire qui ne cesse de glorifier par tant de miracles son illustre servante. Tandis que j’écris ce récit, elle honore, je ne puis en douter, notre bourg de sa présence permanente.