Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Premier

/465/ Latino →

IX.

Guérison de la fille aveugle d’une veuve.

Le Seigneur m’ayant accordé, durant mon séjour dans le même monastère, comme je l’ai dit, la faveur d’être témoin de quelqu’une des merveilles divines, je dois en retracer le récit.

Parmi d’autres pèlerins accourus de diverses contrées en ce lieu, il y avait une veuve qui passait la nuit en prières pour la guérison de sa fille aveugle. Cette dernière, qui priait avec sa mère, recouvra pleinement, par l’intervention de sainte Foy, dès la première veille, la lumière perdue de ses yeux. A cette vue, les gardiens et quelques moines, qui veillaient à leur tour, selon l’usage, accoururent aussitôt avec précipitation à ma cellule. Et comme ils savaient que j’étais très désireux d’être témoin de quelque nouveau prodige, ils se disputaient la parole pour me l’annoncer.

« Voici, disaient-ils, ô heureux Bernard, le miracle que vous souhaitiez si /466/ ardemment de voir opérer par sainte Foy avant votre départ. Il n’était pas juste, disiez-vous, qu’étant venu de si loin pour écrire l’histoire de ses prodiges, vous fussiez privé de la faveur d’être témoin oculaire de quelqu’un d’entre eux. »

C’est que, à mon arrivée, dès que j’eus fait connaître le but de mon pèlerinage, les moines eux-mêmes m’avaient honoré d’une excellente hospitalité, m’avaient fourni tout ce qui m’était nécessaire pour l’accomplissement de mon vœu et avaient même mis à ma disposition des serviteurs zélés avec la mission d’obéir à mes ordres durant mon séjour. Je me lève donc promptement de la couche où je commençais de reposer, et, dans l’excès de ma joie, je cours d’un pas peu grave, je l’avoue, à travers le monastère, et je vois la jeune fille ouvrir les yeux, contempler la lumière des cierges et fixer ma main qui lui offrait un pauvre petit denier; elle distingue la pièce et la prend avec reconnaissance.

Il me serait impossible de rapporter le nombre et les circonstances des gnérisons de toutes sortes qui sont opérées constamment en ce lieu par la divine bonté. Ainsi, peu de temps avant mon arrivée, onze malheureux, affligés des maux les plus divers et les plus graves, avaient été entièrement guéris en une seule nuit. Nous n’entreprenons donc pas de raconter la guérison de tous les infirmes que l’on porte ici tous les jours; ces récits rempliraient une vaste bibliothèque; nous nous bornons à recueillir les prodiges opérés pour le châtiment des pervers ou ceux qui offrent quelque chose d’extraordinaire; et encore nous en retranchons une grande partie; leur relation formera un volume exigu, mais précieux. Cependant les miracles que j’écarte aujourd’hui, pour éviter la prolixité, ou encore ceux que l’on me racontera plus tard, je les réserve pour la matière d’un second livre, si on le juge à propos.