Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Premier

/474/ Latino →

XV.

De celle qui négligea de se lever devant la statue de la sainte.

Nous ne devons pas entièrement passer sous silence les traits moins éclatants; nous ne devons pas moins nous étendre sur les circonstances des principales guérisons miraculeuses.

Racontons le triple miracle opéré sur une jeune fille pauvre et percluse de /475/ tout son corps. Transportée au monastère de Sainte-Foy, elle y avait recouvré la vigueur de ses membres, au point qu’il ne lui était resté aucune trace de contraction. Dans la suite, s’étant fixée pour quelque temps en ce lieu, elle vivait pauvrement du travail de ses mains. Mais cette œuvre de la miséricorde de Dieu ne tarda pas à être suivie d’un effet rigoureux de sa vengeance. La souveraine justice châtia la criminelle révolte de l’orgueil. C’est ainsi que ce récit n’est pas sans affinité avec les précédents, qui ont montré les sévérités de la vindicte divine.

A l’occasion d’une calamité, un jeûne public ayant été prescrit, la vénérable statue fut portée au dehors en procession, au milieu d’une immense multitude de personnes de tout sexe. Tous ceux qui se trouvaient dans les maisons se précipitaient au dehors, selon l’usage en pareille circonstance, et se prosternaient au devant de la statue; la plupart des habitants du voisinage eux-mêmes accouraient à sa rencontre. La jeune fille, ce jour-là, travaillait au tissage pour sa maîtresse; celle-ci l’avertit sévèrement, lui donna même l’ordre réitéré et pressant d’abandonner son ouvrage et de se lever devant la procession. La jeune fille ne fut pas touchée par la crainte du Seigneur, ni charmée par le chant des louanges divines qui retentissait à ses oreilles; elle ne fit aucun cas des avertissements de sa maîtresse, tant elle était attachée à son ouvrage. A l’instant même elle fut frappée soudain par la colère divine; elle ressentit dans ses membres des douleurs atroces, et elle demeura courbée et repliée; sur elle-même, comme dans l’attitude de son travail, le corps entier contracté et les nerfs totalement paralysés, de sorte qu’elle ne pouvait plus pousser les outils du tissage et que la navette demeurait adhérente à ses doigts crispés.

Alors, déposant l’orgueil et l’arrogance qui étaient entrés dans son cœur à la suite du merveilleux bienfait qu’elle avait reçu de Dieu, elle confesse aussitôt humblement, d’une voix entrecoupée par la douleur, la faute dont elle vient de se rendre coupable envers sainte Foy. Mais ses souffrances ne lui laissèrent un seul instant de répit que lorsqu’elle se fut fait porter à la procession, derrière la châsse d’or à laquelle elle fit cortège durant tout le parcours et jusque dans le monastère. Là, après plusieurs nuits de veilles et de prières, elle eut le bonheur de voir ses membres redressés par la vertu des mérites de la glorieuse martyre. Ainsi fut réparé le scandale causé à l’occasion de la sainte statue, que jamais personne n’a pu outrager sans être puni. L’on ne doit pas être surpris de l’honneur rendu à cette châsse en raison de la vénérable relique d’une si glorieuse martyre, puisque, par l’excellence de ses mérites, la sainte fait l’ornement du chœur même des anges.