Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Premier

/476/ Latino →

XVII.

Comment sainte Foy quêtait partout de l’or pour la confection d’une table d’autel.

Le monastère de Conques était primitivement dédié au Saint-Sauveur. Mais, lorsque le corps de notre sainte martyre, enlevé furtivement par deux moines, eut été transporté, il y a dejà longtemps, d’Agen à Conques, la multitude des miracles qu’il opéra fit donner à l’abbaye le nom de Sainte-Foy. De nos jours, le miracle inouï opéré en faveur de Guibert, dit l’Illuminé, ayant eu un immense retentissement dans l’Europe presque entière, une multitude de fidèles léguèrent à sainte Foy leurs biens et quelques bénéfices par droit de testament. Ainsi le monastère, pauvre jusque-là, commença dès lors de s’enrichir et d’acquérir une grande célébrité. Durant là période qui précéda le miracle de Guibert, ce lieu n’offrait pas autant de richesses; on n’y voyait ni un aussi grand nombre de châsses d’or ou d’argent, de croix, de bassins, dont l’un est entièrement d’or, enrichi de toutes sortes de pierreries, et deux sont en argent, ni autant de candélabres, d’encensoirs, lui la table d’autel, ni autant d’ornements de tout genre. La principale richesse du trésor, c’était la glorieuse statue de la sainte, d’ancienne confection; aujourd’hui elle serait considérée comme l’un des bijoux les plus ordinaires, si elle n’avait été entièrement transformée et si on ne lui avait donné un plus bel aspect. On admire, en outre, un crucifix de fort grande dimension, tout d’argent lin, à la réserve de la couronne et du vêtement qui couvre les reins, qui sont en or: je ne me souviens pas d’avoir jamais vu or plus éclatant; plusieurs tablettes d’autel en argent doré par parties /477/ et orné de pierres précieuses; enfin la table du maître-autel, qui n’a pas moins de sept pieds et deux pouces de long. La mesure dont il s’agit ici n’est pas le pied normal, mais celle que les paysans ont coutume de déterminer de leurs deux mains étendues en juxtaposant l’extrémité des pouces (1). L’église de Saint-Martin de Tours possède bien deux tables d’autel plus grandes, mais elles ne sont pas plus ornées de pierreries ni plus artistement ciselées. Il y a encore bien d’autres objets précieux, tels que des couronnes, des calices et des vases de diverses sortes. J’en omets; car l’énumération des manteaux, des chapes et des autres ornements nous entraînerait trop loin de notre sujet.

Bien que des donations multipliées eussent enrichi le monastère de terres immenses et de nombreuses possessions, néanmoins, par l’effet des largesses innombrables, soit des habitants du pays, soit des pieux pèlerins, on vit affluer en abondance l’or, l’argent et les pierres précieuses. A la vue de cette provision d’or si considérable, les supérieurs furent encouragés dans le dessein de faire confectionner une nouvelle table pour le maître-autel. On se mit à l’œuvre: mais comme le plan de ce projet était conçu dans de très vastes proportions, la réserve de métal précieux fut épuisée, et il manqua plus encore d’or ou de pierres précieuses. C’est pourquoi il n’y avait presque plus de personnes possédant anneau ou fibule ou bracelet, ou aiguilles de tête ou bijoux semblables, de qui sainte Foy n’eût obtenu ces objets précieux pour la confection de la table, soit par le moyen d’une simple demande, soit par l’obstination de ses instances, soit par ses sollicitations de quêteuse, apparaissant à chacun en songe, sous la forme d’une vierge non encore adulte et de la beauté la plus éclatante. Elle adressait non moins assidûment ses demandes aux pèlerins, qui affluaient de tous côtés.

On confectionna ainsi une table d’autel si belle, si grande, qu’il me paraît impossible d’en trouver une plus précieuse, sinon dans le ciel même, dont je n’ai pas encore gravi les sommets, mais où l’on voit sans doute bien des objets d’un art encore plus exquis. Il resta une quantité d’or qui fut employée ensuite à d’autres objets sacrés.

[Note a pag. 477]

(1) Deux empans, qui font ensemble environ 45 centimètres. Torna al testo ↑