Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Premier
/477/ Latino →
XVIII.
D’un anneau d’abord refusé et plus tard offert à sainte Foy.
Une noble dame, déterminée par la renommée des miracles de sainte Foy, entreprit le pèlerinage de Conques. S’étant mise en chemin, elle avait fait quelques pas à peine hors du seuil, lorsqu’il lui revint en mémoire que sainte Foy avait l’habitude de venir en songe demander leurs anneaux aux pèlerins. Elle se retourna aussitôt, appela sa servante, ôta sa bague de son doigt et la lui confia en dépôt:
« Prends ce bijou, dit-elle, et garde-le jusqu’à mon retour, de peur que si je le porte avec moi à Conques, sainte Foy ne me le demande et ne me force à le lui donner. »
Elle voulut user de ruse, comme si aucune finesse pouvait tromper la clairvoyance de Celui qui voit toutes choses, même avant l’événement. Qu’ajouterai-je? La dame se met en chemin, accomplit ses dévotions et revient tranquillement dans sa maison. La nuit suivante, elle voit une vierge lui apparaître en songe. Elle lui /478/ demande qui elle est; celle-ci lui répond qu’elle est sainte Foy, puis la presse avec autorité de lui faire don de son anneau. La dame ayant proteste qu’elle n’en avait aucun, la sainte lui dit qu’elle voulait l’anneau que celle-ci avait confié à sa servante, de crainte d’être obligée de le donner. Le matin, à son réveil, la dame se persuade que la vision céleste n’était qu’une chimère, un vain songe. Mais pourquoi faire attendre davantage le dénouement? Soudain, elle ressent dans tout son corps une fièvre si ardente qu’elle peut à peine trouver une heure de répit. Au bout de trois jours de cruelles souffrances, elle rentre enfin en elle-même, reconnaît sa faute et confesse son indocilité. Puis elle donne l’ordre de préparer sa monture, afin de retourner auprès de sainte Foy, et aussitôt l’ardeur de la fièvre se trouve calmée. Elle se met en route, entièrement guérie, et revient pleine de joie, estimant avoir fait un profit considérable en échangeant son anneau contre le rétablissement de sa santé.