Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Deuxième

/520/ Latino →

X.

Du miracle de la fibule d’or qui avait été refusée à sainte Foy par la comtesse Richarde.

On me raconta le fait suivant qu’il faut ajouter au ehapitpe des badinages de sainte Foy.

La comtesse Richarde (4) possédait une fibule d’or travaillée avec un art des plus délicats; c’est une sorte de bijou désigné en latin sous le nom de spinx et vulgairement sous celui d’épingle. Après la mort de Raymond, son mari, elle vit en songe sainte Foy qui lui demandait avec instance le don de ce bijou, comme si la jeune sainte était encore charmée par ces objets qui séduisent les jeunes filles de son âge et piquent leur convoitise. Comme nous l’avons dit, en effet; dans le premier /521/ livre, ce fut à l’âge le plus tendre, d’après ce que nous lisons, que la sainte subit le martyre (1).

Pressée de plus en plus par les instances réitérées de la sainte, Richarde fit part de sa vision à Haustrinus (2), fils de cet Haustrinus que nous avons mentionné plus haut. Docile au conseil de celui-ci, elle se rendit à Conques, mais elle se contenta d’offrir, à la place du bijou, son poids d’or en échange.

Elle s’en retourna. Or, elle était à peine à deux milles de Conques, lorsque son coursier d’apparat se livra à des bonds joyeux et prit une allure plus vive que celle de ses pareils. Dans ce mouvement, la fibule d’or s’accrocha à une branche et y demeura suspendue. On la chercha longtemps et minutieusement; ce fut en vain. Après leur départ, une pieuse femme, habitante de ces lieux, ayant aperçu le bijou et ignorant à qui il appartenait, ne songea pas à garder cette parure trop riche pour une paysanne; elle la jugea digne d’être offerte à sainte Foy. Par cet artifice, comme dans d’autres circonstances pareilles, sainte Foy acquit double profit.

Peu de jours après, Richarde revient à Conques: elle n’était pas éloignée de ce lieu, puisqu’elle était comtesse de Rouergue (3). Prosternée en oraison, elle aperçoit par hasard la fibule d’or piquée à la tête de la statue de la sainte. Saisie d’étonnement, elle s’informe de ce qui s’est passé, et rend grâce à Dieu du châtiment infligé d’une telle manière à son indocilité.

Cet or fut employé dans la suite à quelque ouvrage nécessaire. Telle était d’ailleurs certainement l’intention de sainte Foy, dans la demande de cet objet; car, dans le ciel l’illustre vierge, resplendissante de gloire, ne manque pas de parures ni de bijoux d’un éclat merveilleux.

[Nota a pag. 520]

(4) Richarde, veuve de Raymond III, présida longtemps à l’administration des comtés de Rouergue et de Narbonne. (Cf. Bosc, Mém. p. 39. – Cartul. nos 8, 15, 550.) Torna al testo ↑

[Note a pag. 521]

(1) L’Histoire de Languedoc, portant maritum au lieu de martyrium (II. Pr. col. 6), en conclut que la comtesse Richarde s’était mariée très jeune et lui applique tout ce passage. Or, au Ier livre, il a été question de sainte Foy et de sa jeunesse lors de son martyre – statura puellaris (c. i) – et il n’a été fait aucune mention de Richarde jusqu’ici. L’historien du Languedoc s’est donc mépris, et Bosc après lui (Mém. p. 427). Il faut voir dans tout ce passage la martyre d’Agen, mise à mort à l’âge où les jeunes filles recherchent ce qui flatte leur vanité. Torna al testo ↑

(2) Au sujet d’Haustrinus (Austrin) voy. liv. I, chap. xxii. Torna al testo ↑

(3) Conques est à 39 kilomètres de Rodez. Torna al testo ↑