Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Deuxième

/523/ Latino →

XIII.

Comment sainte Foy guérit miraculeusement le frère de l’historien qui avait les membres tordus.

Naguère la divine miséricorde, malgré ma profonde indignité, a daigné opérer en ma faveur un miracle, par l’intercession de sainte Foy. Le lecteur voudra bien ne /524/ point m’accuser de vaine gloire si je le raconte. J’acquitte une dette sacrée en le publiant.

Mon frère (1) était affligé d’une maladie grave; depuis longtemps s’était écoulé le jour où l’on s’attendait à la guérison; on s’était trompé sur la nature du mal, et l’infirme éprouvait des souffrances si aiguës, si horribles dans tout son corps, que ses membres se tordaient dans d’affreuses convulsions qui remplissaient les spectateurs de douleur et d’effroi. Le trouble de son cerveau avait paralysé à tel point l’usage de la raison, que des appels réitérés parvenaient à peine à obtenir de lui quelques mots intelligibles. Nul espoir de guérison; nous n’attendions que la mort. La même année, d’ailleurs, plusieurs personnes avaient été atteintes du même mal et y avaient succombé. Vivement touché à la vue des souffrances de ce frère chéri et ne me confiant nullement en mes mérites, je pressai les assistants de recourir à l’intervention de sainte Foy. Mais, voyant qu’ils jugeaient cette démarche inutile, je m’adressai moi-même à la sainte et m’écriai avec véhémence:

« O sainte Foy, quel avantage me revient-il de publier partout votre puissance, si dans mon angoisse vous me refusez le bienfait de votre assistance? Ah! je vous en supplie, rendez-moi mon frère. Et pour que nul ne doute que c’est à vous que nous serons redevables de sa guérison, faites, je vous en conjure, que dès demain il éprouve un soulagement à ses cruelles souffrances. Si vous m’exaucez, je fais vœu de conduire mon frère pieds nus à votre sanctuaire. »

C’était insensé de ma part, j’en conviens. Fixer un délai à la divine miséricorde et lui imposer la limite du jour, au gré du caprice d’un homme, c’était provoquer plutôt la colère de Dieu que sa clémence. Néanmoins, plein de confiance dans sa patiente bonté, je déposai aussitôt, entre les mains d’un diacre présent, un gage de mon vœu.

L’intervention de sainte Foy se montre si prompte et si efficace que, le même jour, au bout de deux heures environ, le calme succède à la tempête et les atroces douleurs ont disparu. Un sommeil bienfaisant s’empare soudainement du malade, une transpiration salutaire et abondante le soulage; le moribond recouvre peu à peu le libre usage de ses membres revivifiés. Après quelques jours, ill se trouva tout à fait guéri.

[Nota a pag. 524]

(1) Il s’agit peut-être de Robert (Cf. Chap. prélimin., p. 426), qui devint, vers 1047, abbé de Cormery en Touraine. Nous savons qu’il consacra, en 1054, le 13 septembre, la nouvelle église de son monastère. (Gall. christ. XIV, col. 200.). Torna al testo ↑