Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Deuxième

/525/ Latino →

XV.

D’un psautier retrouvé par l’intervention de sainte Foy.

Deux de mes élèves se rendaient, pour une affaire, dans un lieu voisin de la ville d’Angers, à la distance de trois milles. Ils avaient dejà fait la moitié du chemin, lorsqu’ils se reposèrent sous l’ombrage d’un bosquet, et le plus jeune d’entre eux y laissa par mégarde un psautier qui lui avait été prêté. Ils poursuivirent leur chemin et ne revinrent qu’à la tombée de la nuit, au moment où l’obscurité, commençait à se répandre. Alors le livre égaré leur vint à la pensée. Celui qui l’avait perdu, pensant l’avoir laissé au lieu d’où ils venaient, manifesta l’intention d’y revenir, mais il fut détourné de ce dessein par le plus âgé qui avait hâte de rentrer à la ville, et il n’eut pas le courage de voyager dans les ténèbres. Comme il était centristé par cet accident et qu’il exhalait vivement son chagrin, son compagnon lui conseilla de promettre un cierge à sainte Foy pour le recouvrement du livre et de retourner, le lendemain matin, au lieu d’où il venait, car peut-être la volonté de Dieu aurait-elle préservé le volume de tout rapt. Dans le cours du chemin, ils n’avaient pas encore atteint le bosquet où le livre avait été égaré; mais il ne pouvait leur venir à la pensée que le psautier y avait été laissé. Le vœu ayant été formulé, ils récitent leurs psaumes avec ferveur et arrivent à la ville.

Le jour suivant, le jeune écolier ayant repris le même chemin, arriva devant la forêt où, sans le savoir, il avait perdu son livre; il passait outre, croyant l’avoir laissé plus loin. Tout à coup, par une permission de Dieu, il s’écrie à haute voix et presque sans y penser:

« Sainte Foy, rendez-moi mon psautier! »

Un pâtre, qui avait entendu cette exclamation, lui demanda, de l’intérieur du bosquet, ce qu’il cherchait. Il raconta sa mésaventure. Le pâtre alors lui fit connaître celui qui avait recueilli le livre égaré. L’écolier ayant ainsi retrouvé le psautier, s’en retourna à la ville et y arriva dans le même temps qu’il lui aurait fallu pour parvenir au lieu où il croyait avoir laissé son livre. Le cœur plein de joie, il rendait gloire à Dieu et publiait partout cette merveille de sainte Foy.

Cet événement doit être plutôt attribué à l’intervention de la sainte qu’à un effet du hasard, à raison de la rencontre du berger à cet endroit précis et de l’exclamation de l’écolier, la seule qu’il eût proférée jusque-là. Nous voyons par là comment Dieu exauce ceux qui invoquent avec simplicité son assistance miséricordieuse, même pour des objets de peu d’importance. S’il s’agit d’honneurs considérables que quelqu’un aurait perdus, ils ne lui sont pas indispensables, bien que leur privation lui soit douloureuse. Il n’est donc pas nécessaire qu’ils lui soient rendus, car souvent les dignités de ce monde causent la perte temporelle ou même éternelle de ceux qui les possèdent. La plupart du temps elles causent les deux à la fois. Car la haute puissance enfle l’orgueil; alors on ne se contente plus de ce que l’on possède, on convoite avec ardeur le bien des autres, dans l’aveuglement d’une folle ambition, et on est victime de son imprudence. Les grands honneurs entraînent d’ailleurs les maux les plus opposés: la mollesse, si on ne /526/ les soutient pas dignement; le péché, si l’on s’y attache vivement. Cependant nous avons vu souvent des hommes privés injustement de leur dignité, humiliés par toutes sortes de tribulations et plus tard rétablis par Dieu dans leurs honneurs. Les exemples abondent et dans le passé et dans le présent. A ce propos, si le témoignage de mes deux élèves n’eût été discordant en quelques points, j’aurais ajouté un récit des plus admirables que n’auraient pas dédaigné les lecteurs les plus difficiles.

Ici se termine le second livre des miracles de sainte Foy, vierge et martyre.