Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Troisième

/530/ Latino →

III

D’un soldat dont l’œil, transpercé par un voleur, fut guéri par sainte Foy.

Peu de temps après et tout récemment, des voleurs s’étant introduits furtivement dans un château de l’Auvergne qui porte le nom de Châteauneuf (1), enlevèrent des chevaux et les emmenèrent. Malgré l’heure avancée, la sentinelle du sommet de la tour s’en étant aperçue, poussa des cris d’alarme, réveilla les soldats du château et ceux du dehors et leur dénonça le vol qui se commettait. Tandis que les bandits, à la faveur de l’obscurité de la nuit, se sauvaient précipitamment, l’un d’eux se retournant subitement, dirigea au hasard dans les ténèbres la lance qu’il tenait à la main, dans l’intention de frapper à l’improviste ceux qui le poursuivaient. Or l’un des plus jeunes de ces derniers, nommé Bernard, du château de Valeilles (2), monté sur un coursier des plus rapides, se précipitait à travers les ténèbres sur les pas des voleurs, guidé par le son des sabots des chevaux; il les serrait de près, lorsqu’il tomba de tout son élan sur la pointe de la lance qu’il ne voyait pas. Le coup fut si violent que le fer, après avoir transpercé la prunelle de l’œil, ressortit derrière l’oreille. Ses compagnons arrivent après lui, le relèvent grièvement blessé et baignant dans son sang, et le portent dans son lit. Sa blessure s’envenima de jour eu jour, sa tête enfla prodigieusement; les humeurs emprisonnées lui causèrent des souffrances intolérables; la mort devint imminente.

Son maître, le seigneur du château, venait le visiter et le consoler. Or, un jour, dans le cours de son entretien, il lui persuada d’offrir à sainte Foy l’anneau d’or qu’il portait au doigt, à l’intention d’obtenir la guérison de sa blessure, ou bien le secours de la miséricorde divine pour le salut de son âme. Le malade, docile à ce conseil, s’engagea en outre, si elle lui rendait la santé, à lui apporter en présent une pièce d’or désignée vulgairement sous le nom de mancon(3). Ce vœu fut aussitôt suivi de la bienfaisante et merveilleuse intervention de sainte Foy. Une abondance d’humeurs corrompues et infectes jaillit de la blessure, jusqu’à complet épuisement; et la tête, par l’intervention divine, revint à son état normal. En peu de temps le jeune homme se trouva si bien guéri qu’il ne conserva de sa plaie qu’une légère cicatrice visible à tous les regards; c’était comme un souvenir du prodige opéré par la puissance de la sainte à la suite du vœu formulé pour la guérison d’une si horrible blessure.

[Note a pag. 530]

(1) Châteauneuf, Castellum novum, près Malet, commune de Sarrus, canton de Chaudesaigues, Cantal; château aujourd’hui détruit. Torna al testo ↑

(2) Castellum Valliticis, Valeilles, commune de Neuvéglise en Planèze, canton de St-Flour, Cantal. Dans le Cartulaire de Conques (nº 441) il porte le nom de Vallelas. Torna al testo ↑

(3) Le mancon (Manco ou Mancusa) était une monnaie d’or en usage dans l’Europe occidentale, au moyen âge. – Cf. Du Cange. Torna al testo ↑