Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Troisième

/530/ Latino →

IV.

D’un jeune homme qui fut délivré de ses entraves et de sa chaîne.

Voici un miracle opéré vers la même époque; nous en avons été témoins et il a excité notre plus vive admiration.

Un jeune homme nommé Hugues, habitant de Conques, issu d’une famille de /531/ ce bourg et fils du noble et puissant Siger (1), fut fait prisonnier par ses ennemis, conduit dans un autre château et enfermé dans un ténébreux réduit, où il fut soumis à la faim et aux privations, et chargé d’énormes chaînes. Son cou était comprimé par un fort collier de fer, ses jambes étaient retenues par de lourdes entraves. De si cruelles tortures devaient promptement amener sa mort. Derrière lui se trouvait un tonneau dans l’intérieur duquel était rivée la chaîne de fer; il était impossible au prisonnier de se dégager. Poussé à bout par de si cruels tourments, l’infortuné ne cessait d’implorer l’assistance de sainte Foy, au milieu de cette torture intolérable. Une nuit qu’il s’était endormi de lassitude, il lui semblait égrener des raisins et les manger, tandis que ses fers gisaient à terre. Jadis réchanson de Pharaon, abattu par la rigueur de sa prison, eut un pareil songe qui, expliqué par Joseph, lui apporta la consolation (2). Notre prisonnier, lui aussi, après avoir invoqué sans relâche la divine miséricorde, par les mérites de sainte Foy, ne tarda pas à recevoir la grâce de la délivrance. La nuit suivante, la bienfaisante sainte lui apparut en songe et le pressa de s’enfuir:

« Levez-vous promptement, lui dit-elle, et sauvez-vous d’ici. » Il se réveille alors et, persuadé de la réalité de sa vision, il étend les mains autour de lui, et cherche une pierre ou quelque autre objet pour dégager les cercles du tonneau. Il trouve un caillou et un de ces pieux de bois que les paysans appellent un échalas. Au moyen de ces objets, il parvient à détacher, à coups répétés, les cercles du vaisseau qui servait de réservoir à grain, à l’exception du dernier qui entourait la base. Le tonneau était encore debout; mais il fut facile au prisonnier d’en retirer la douve à laquelle était rivé son collier. Puis, au moyen du même échalas, il creusa, sous la porte de sa prison, une ouverture, comme une chatière, par laquelle il s’échappa. Avec les mêmes outils, il détacha les serrures du cachot et les emporta dans sa fuite. Lorsqu’il se vit en sûreté, loin du château, il brisa, au moyen d’une pierre, l’une de ses entraves et la fixa à sa ceinture; l’autre demeura attachée à sa jambe; puis, chargé de ce fardeau, il accéléra sa marche. Ayant rencontré un enfant sur son chemin, il le persuada, par ses douces paroles et ses promesses, de se charger de la pièce de bois, à laquelle était fixé le collier, et de marcher à ses côtés. Et il reprit vivement son chemin vers sa maison. Plus loin, se voyant à l’abri de toute poursuite, il rompt la lourde planche et augmente la vitesse de son pas. Enfin, pleinement rassuré, il brise avec un marteau son collier et aussi l’autre entrave et s’empresse de venir, sous nos yeux, déposer le trophée de sa merveilleuse délivrance aux pieds de sa sainte bienfaitrice, qui l’avait exaucé avec tant de bonté et qui l’avait arraché à la captivité par ses avertissements et son secours.

[Note a pag. 531]

(1) Siger était seigneur du château de Conques. Voir au chap. xvii du même livre, sa fin misérable. Torna al testo ↑

(2) Gen. xl. Torna al testo ↑