Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Troisième

/533/ Latino →

VI.

D’un aveugle à qui la vue lut rendue.

La Normandie a été le théâtre du miracle suivant, qui mérite de trouver place dans ce recueil.

Un homme d’un âge mûr, gardant des chevaux, passait la nuit en plein air dans la campagne. Or, accablé de lassitude, il se laissa surprendre par le sommeil et s’endormit profondément. A son réveil, il ouvrit les yeux pour regarder l’endroit où paissaient ses chevaux, mais il ne put rien voir. Il se trouva plongé dans les ténèbres; pendant son sommeil, il avait perdu la vue; il était aveugle. Aussitôt il appela à son secours et se rendit à tâtons à sa maison. Il était dans cet état d’affliction, quand il lui vint à la pensée d’entreprendre divers pèlerinages afin d’obtenir, par l’intercession des saints, le recouvrement de la vue. Il commence par se rendre à Rome. Là, après avoir prié avec ferveur, accablé de fatigue, il se livra au sommeil. Il entendit en songe une voix qui l’avertissait de revenir dans sa patrie et de se rendre au pèlerinage de Sainte-Foy, car c’est en ce lieu qu’il devait recouvrer la vue. Il ne fit aucun cas de cette vision; il ne connaissait pas d’ailleurs le lieu qui lui était indiqué; il rentra donc dans son pays et, n’ayant éprouvé aucune amélioration, il demeura encore aveugle pendant deux ans.

Enfin il se ravisa et entreprit le pèlerinage de Sainte-Foy, conduit par son jeune fils. Prosterné sur le pavé de la basilique, il adressa à la sainte de longues et ferventes prières, lui confiant tout le sujet de ses inquiétudes; puis, ayant terminé ses oraisons, il se retira à l’écart, et s’y livra au sommeil. O merveille! il lui semble, dans une vision, que deux oiseaux d’une merveilleuse beauté volent vers lui, piquent dans ses yeux deux flambeaux ardents et reprennent leur vol léger dans les airs. Saisi de frayeur, il s’éveille, appelle l’enfant et se fait de nouveau conduire devant l’autel de la sainte. Là il se prosterne entièrement dans la poussière, rédouble ses prières et demande instamment que la vue lui soit rendue. Peu après, il se relève; mais, saisi d’une violente douleur aux tempes et au cerveau, il est obligé, pour se tenir debout, de s’appuyer sur l’épaule d’un paysan qui se trouvait près de lui. Bientôt un flot de sang jaillit de ses deux yeux et inonde entièrement sa barbe et ses vêtements. Au bout d’un moment, il commence à percevoir quelque lumière; il lève aussitôt les yeux, distingue de plus en plus nettement les objets qui l’entourent et les désigne du doigt. Plein de joie et de reconnaissance, il prolongea son séjour à Conques pour faire constater le miracle. Enfin il reprit joyeusement le chemin de son pays, conduit par ses propres yeux auxquels sainte Foy avait rendu miraculeusement la lumière.