Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Troisième

/537/ Latino →

IX.

De celui qui, confiant en la protection de sainte Foy, faisait passer ses enfants à travers les flammes.

Le fait dont nous allons retracer le récit a été maintes fois raconté par bon nombre de nos frères; nous y ajoutons une croyance aussi absolue qu’aux divines Écritures.

Dans le Périgord, vivait un chevalier d’illustre naissance, nommé Hélie, sei- /538/ gneur du château de Montagrier (1). Il était marié, mais il voyait avec douleur son union frappée de stérilité. Ayant entrepris le pèlerinage de sainte Foy, il obtint la faveur tant désirée d’être père; Dieu lui donna même deux enfants. Il les chérissait d’un amour extrême et il les appelait, non ses fils, mais les enfants de sainte Foy. Pour donner une preuve manifeste de la faveur à laquelle il devait leur naissance, il faisait allumer un grand feu au milieu de la cour, devant les assistants qui tentaient en vain de le détourner de son dessein, et ordonnait à ses enfants de passer nu-pieds et nu-jambes à travers les flammes. Ceux-ci obéissaient et se précipitaient avec empressement dans le feu. Chose merveilleuse ils passaient et repassaient sans éprouver le moindre mal.

Il résolut d’amener ses enfants à la glorieuse martyre, leur mère spirituelle. Or la saison était si rigoureuse, que toutes les rivières étaient fortement débordées et que la tourmente était déchaînée dans toute sa violence. Son épouse et tous les membres de la famille le pressaient de remettre son pèlerinage à un temps plus favorable. Il résista à leurs instances, n’éprouvant aucune crainte pour son voyage. Il ne redoutait disait-il, aucun naufrage avec les enfants de la sainte, et il se promettait, en leur compagnie, de braver la furie des flots sur une frêle nacelle. Il exécuta en effet ce dessein, se rendit à la basilique de la sainte, voua et consacra ses enfants à leur mère spirituelle, et raconta à leur sujet mille choses merveilleuses aux frères de notre sainte congrégation. Après avoir célébré les pieuses solennités, il s’en retourna plein de joie et sans éprouver d’accident dans son pays.

[Note a pag. 538]

(1) Montagrier, Castrum Montagrerium, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Ribérac, Dordogne; il ne subsiste du château que quelques ruines. – Cf. Vie de Gourgues, Diction. topogr. de la Dordogne, 1873. Torna al testo ↑