Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Troisième

/538/ Latino →

X.

De celui qui attaqua un moine de sainte Foy.

Le fait que nous allons raconter brièvement a eu pour théâtre le territoire de l’Auvergne. Le château d’Aurouze (2), comme beaucoup d’entre vous le savent, n’est séparé que par une courte plaine du petit village appelé vulgairement Molompise, qui appartient à sainte Foy. Le seigneur de ce château, appelé Robert, irrité contre le moine gardien de cette terre, vint l’attaquer dans l’intention de le mettre à mort. Mais les paysans et les serviteurs de sainte Foy lui résistèrent vigoureusement et le mirent en fuite avec sa troupe. Cette honteuse défaite mit le comble à sa fureur; il profita de la nuit pour tendre ses embûches et faire éclater sa vengeance. Sans tarder, suivi de cinq hommes ses complices, il franchit, à la faveur, des ténèbres, les barrières de la maison du moine et fait reculer la barre de clôture de la porte avec la pointe de son épée. Tout à coup il s’arrête sur le seuil, immobile et comme interdit. Ses hommes le pressent d’entrer; il leur répond qu’il se trouve plongé dans les plus épaisses ténèbres: or la lune brillait dans tout son éclat. Ce bruit de paroles avait réveillé un jeune homme. Celui-ci se lève vivement de sa couche et, sans prendre le temps de s’habiller, il saisit une pique, perce le bouclier de Robert, jette celui-ci dehors, pousse la porte et ferme les serrures.

/539/ Le seigneur, sentant ses yeux privés de lumière, ordonne à sa troupe de battre en retraite: tous prennent une fuite précipitée. Arrivés à la petite plaine et redoutant d’être poursuivis par l’ennemi, ils abandonnent leur maître seul et tremblant au milieu des ténèbres et courent se cacher lâchement dans les rochers voisins. Bientôt, n’apercevant aucun ennemi, ils reviennent auprès de leur maître et le trouvent perclus de tous ses membres et la bouche horriblement contractée jusqu’à l’oreille. Ils le couchent sur un drap et le rapportent au château. Le matin, ils viennent à l’église du village et, dissimulant les événements de la nuit, ils implorent humblement la paix et concluent un traité. Cependant le moine était parti précipitamment pour Conques. Ne pouvant donc le trouver, ces hommes, à la vue de leur maître dangereusement malade, se décident à le transporter jusqu’à l’église, pour le vouer à sainte Foy. Durant une semaine entière, ils célèbrent, au pied de son autel, les veilles sacrées, avec des cierges allumés.

La miséricordieuse sainte lui restitue enfin la santé et les forces. Le seigneur fait éclater les plus vives actions de grâces envers sa bienfaitrice, célèbre sa gloire et ses mérites, et trois jours après, accompagné de ses serviteurs, il se rend, nu-pieds, à Conques, auprès de son tombeau. Là il fait connaître aux religieux le motif de son pèlerinage, se réconcilie cordialement avec le moine son voisin, et s’en retourne, le cœur plein d’une douce joie. Désormais il protégea avec amour le fief de sainte Foy, témoigna le plus profond respect à l’église de ce lieu, et la visita fréquemment et avec piété.

[Note a pag. 538]

(2) Le château d’Aurouze, castrum Aurosa, commune de Molompise, canton de Massiac, arrondissement de Saint-Flour, Cantal, est mentionné dans le Cartulaire de Conques (n° 394) dès l’an 1019. – Cf. Déribier du Châtelet, Diction. statist. du Cantal, p. 207. Torna al testo ↑