Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Troisième

/539/ Latino →

XI.

D’un cheval à qui l’œil fut rendu par l’intervention de sainte Foy.

Parmi cette multitude de miracles, il en est un fort singulier que nous allons raconter, mais que nous croyons devoir auparavant justifier des attaques d’une critique ignorante. Nous alléguons, à cet effet, l’exemple et la pratique de nos pères dans la foi. Le grand saint Grégoire, dans ses récits si autorisés et si sincères, raconte le trait suivant de Fortunat (1), évêque de Todi (2), homme d’une sainteté éminente. Un capitaine amena un jour au saint évêque son cheval qui était agité incessamment par une frénésie inexplicable. Le saint calma sa fureur et lui rendit la douceur par l’imposition de la croix. Le maître du cheval, en reconnaissance du miracle, fit présent de sa monture à l’évêque. Celui-ci, pour ne point affliger le donateur, accepta le cheval; mais, dans sa charité, il voulut l’acheter, bien qu’il n’en eût aucun besoin. C’est ainsi que la divine bonté prend soin de toutes choses, selon cette sentence du psalmiste, digne de remarque: « Seigneur, vous prendrez soin des hommes et des bêtes (3) ». Le récit que nous allons présenter achèvera de démontrer ce que nous venons de dire.

Un gentilhomme du château de Miermont (4), en Auvergne, possédait un cheval /540/ de grand prix. Un jour qu’il l’avait fait saigner, selon l’usage, il l’attacha par le licol à un poteau au haut duquel étaient fixées des chevilles aiguës, coupées dans de minces branches d’arbre et destinées à suspendre divers objets. Le cheval impatient, dans la vivacité de ses mouvements, ayant levé brusquement la tête, heurte l’un des crochets, qui lui crève l’œil et le lui arrache entièrement. A cette vue, le gentilhomme affligé recueillit l’œil du cheval, qui pendait le long de la mâchoire, et le replaça doucement dans son orbite. Un rassemblement considérable s’était formé autour de ce spectacle. Docile au conseil qu’on lui donnait de toutes parts, le gentilhomme fit vœu d’offrir à sainte Foy un cierge de la longueur de son cheval; puis il assujettit l’œil crevé au moyen de bandelettes, et reconduisit l’animal dans son écurie. Il était fort triste, car son coursier était une bête d’une vigueur incomparable, et n’avait point d’égal pour la rapidité de sa course. L’intercession de sainte Foy fut un remède d’une vertu merveilleuse. Le jour suivant, l’œil du cheval était aussi sain que si jamais il n’eût éprouvé d’accident. Le gentilhomme raconta ce miracle extraordinaire à une nombreuse assistance devant l’oratoire même de sainte Foy.

[Note a pag. 539]

(1) Saint Fortunat, évêque de Todi, vivait au vie siècle. Torna al testo ↑

(2) Todi en Italie (antique Ombrie). Torna al testo ↑

(3) Ps. xxxv, 7. Torna al testo ↑

(4) Miermont, Murmontis castrum, près d’Espinasse, canton de Saint-Gervais, arrondissement de Riom, Puy-de-Dôme. La carte de Cassini indique cette localité, qui est mentionnée aussi dans le Cartulaire de Conques (nos 553 et 554). Torna al testo ↑