Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

/540/ Latino →

XII.

Autre miracle semblable.

Voici un autre miracle tout pareil, et qui mérite de prendre place dans ce recueil. Bon nombre d’entre vous connaissent le château qui porte vulgairement le nom d’Entraygues (1) et qui est situé à un peu plus de huit milles de Conques. Un chevalier de ce château possédait un cheval dejà fort vieux. Comme cet animal était incomparable pour sa docilité et la douceur de son pas, le chevalier l’envoyait à l’abbé, lorsque pour une cause grave on devait porter au loin la statue de la sainte. Un jour, un trait lancé en jouant par un jeune homme, frappa par hasard l’œil du cheval et l’arracha si violemment de l’orbite, que cet œil restait suspendu par un filament le long de la mâchoire de l’animal. Le chevalier, qui était doué d’une tranquillité, d’âme admirable, se contenta de sourire à cette vue, et exhala sa douce plainte, disant que cet accident causait plus de préjudice à sainte Foy qu’à lui-même.

« O sainte Foy, s’écria-t-il, quelle perte irréparable vous venez de subir! Votre vieux serviteur vient de perdre un œil par une disgrâce Imméritée; il ne pourra plus vous continuer ses services. »

A ces mots, il recueille l’œil arraché, le replace dans son orbite béant et ramène le cheval à l’écurie. Or il était suivi par de nombreux curieux, qui se livraient à mille observations railleuses, entremêlées d’éclats de rire:

« Voilà le vétéran des coursiers, s’écriaient-ils, le vénérable centenaire, à bout de forces et achevé par ce coup; l’infortuné, pour comble de malheur, a perdu la vue! Il n’est plus bon qu’à servir de pâture aux oiseaux de proie et aux bêtes sauvages! »

Le maître du cheval les laissa dire; il donna à la bête sa place et sa ration accoutumées. Le lendemain, il entre dans l’écurie pour la visiter. Quelle n’est pas /541/ sa surprise de trouver l’œil parfaitement guéri, sans nulle cicatrice, jouissant de la lumière! Reconnaissant aussitôt le merveilleux prodige opéré par la sainte, il s’empresse de montrer le cheval guéri à tous les voisins qui avaient été témoins, la veille, de la perte de son œil. Ceux-ci rendirent témoignage de l’intervention miraculeuse de sainte Foy.