Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Troisième

/541/ Latino →

XIII.

D’un soldat dont la maison fut incendiée à l’occasion des oies de sainte Foy.

En nous appliquant à décrire les miracles incomparables de la très glorieuse vierge et à raconter les prodiges modernes qui surpassent encore en nombre les anciens, il nous semble parcourir avec un charme inexprimable des prairies émaillées de fleurs. Parmi ces fleurs nous choisissons les plus belles, les plus gracieuses; nous cueillons les plus fraîches, les plus parfumées parmi les merveilles récemment opérées par la sainte et transmises jusqu’à nous par des témoins dignes de foi, et nous en tressons une guirlande qui sera pour les générations futures un monument des mérites de la sainte martyre. Entre tant de prodiges, en voici un qui est bien connu de la congrégation de vos frères.

Il est en Auvergne un lieu, appelé Planèze (1), qui tire son nom de la configuration du pays en forme de plaine, où il est situé. Dans ce lieu vivait un chevalier, nommé Amblard. Ce chevalier était en guerre ouverte avec les autres seigneurs, ses voisins, qui se disputaient avec acharnement la préséance. Peu à peu la querelle dégénéra et causa de grands dommages à la multitude des petits. Les soldats des deux partis, en effet, se livraient des combats dans le cours desquels ils portaient le fer et la flamme dans les demeures et les asiles des paysans. De chaque côté on était réduit à l’extrémité lorsque ces derniers, voulant prévenir les incendies, se virent obligés d’éteindre entièrement leurs feux, afin d’ôter aux troupes de chacun des partis une arme si désastreuse pour leurs chaumières. Les soldats d’Amblard, ne pouvant trouver, par suite de cette précaution, du feu pour accomplir leurs projets, assaillirent, pour s’en procurer, un petit hameau voisin, nommé Pierrefiche (2) qui appartenait à sainte Foy. Ils y en trouvèrent en effet, mais ils ne purent en emporter avec eux. Dirigée par un souffle divin, la flamme s’élançait vers eux avec un crépitement prodigieux et, léchant leurs vêtements et leur barbe qui portaient les traces de leurs ravages, elle les forçait à se sauver hors des maisons par une fuite précipitée. L’un d’eux cependant, poussé par une honteuse gloutonnerie, fit irruption dans une basse-cour et enleva deux jeunes oies. Ses compagnons lui adressèrent mille représentations; ce fut en vain. Il emporta donc son butin et fit rôtir les deux oisons. Il se disposait à les servir sur la table, cuits à point, quand tout à coup, la graisse de ces animaux ayant coulé sur les charbons ardents, des tourbillons de flammes s’élancent du foyer /542/ jusqu’aux combles et consument en un moment la table du festin et la toiture de la maison. Les nombreux convives qui se disposaient à prendre part à ce honteux repas ont à peine le temps de se sauver; ils acclament unanimement le miracle de sainte Foy et reconnaissent qu’il a eu pour cause le rapt commis dans le hameau qui était sa propriété.

[Note a pag. 541]

(1) Le mot Planicies, qui se lit dans le texte latin, désigne ici le plateau de la Planèze, qui s’étend entre l’Alagnon et la Truyère et comprend, outre les cantons nord et sud de Saint-Flour, une partie de ceux de Murât, de Pierrefort et de Chaudesaigues. Quant au lieu de Planicies, signalé dans notre texte, peut-être s’agit-il du village de Saint-Mary-le-Plain ou des Plains, dans le canton de Massiac, arrondissement de Saint-Flour. Torna al testo ↑

(2) Petrafixa. Il s’agit ou de Pierrefitte (commune de Talizat) ou de Pierrefiche (commune d’Oradour), l’une et l’autre situées en Planèze; plus probablement de cette dernière, car Conques avait des possessions dans son voisinage. Cf. Cartul., n° 364, et chap. iii du présent livre, page 530, note 2. Torna al testo ↑