Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Troisième

/546/ Latino →

XVIII.

De celui qui, par la vertu de l’étendard de sainte Foy, remporta la victoire sur ses ennemis.

Le miracle que je vais rapporter offre en même temps un motif de confiance aux fidèles et un sujet de terreur aux ennemis de Dieu.

Dans le pays de Nîmes vivait un chevalier des plus illustres par sa haute noblesse et sa vaillance dans les combats; il s’appelait Frédolus. Son épouse lui fut perfidement enlevée par un ravisseur qui usa de quelque charme diabolique et qui, chose horrible à dire, contracta avec elle une union adultère. A la suite de cet attentat, le scélérat, animé d’une haine féroce contre Frédolus, ne cessa de lui tendre des embûches et de tramer contre sa vie. Ayant sollicité l’aide de Matfred de Lodève et de plusieurs autres hommes puissants, il poussa la rage jusqu’à diriger contré Frédolus une troupe de sept cents chevaux et de porter je pillage et un ravage affreux dans ses terres.

Celui-ci fut indigné d’un tel outrage; mais, se voyant trop faible pour résjster à des forces si considérables, il implora, de toute la ferveur de son âme, la protection du Dieu tout-puissant. Par l’effet d’une inspiration divine, sainte Foy lui vint tout à coup à la pensée. Aussitôt, abandonnant à son fils la défense du château, il prend ce qui lui est nécessaire pour le voyage et se rend à la basilique de la sainte martyre. Là il répand aux pieds de la sainte toutes les amertumes de son cœur, sollicite son secours et passe toute la nuit, avec ses hommes, dans la veille et la prière. Le matin, il stipule en faveur de sainte Foy la donation, en propriété perpétuelle, d’un domaine dans ses possessions; puis il demande à nos frères un étendard de la sainte martyre, dans la confiance que, sous ce drapeau, il taillera en pièces les rangs pressés des troupes ennemies. Ayant obtenu cet objet, il se hâte de retourner dans son pays. Là sans tarder, il réunit une troupe de cent cinquante chevaux, et, plein de confiance dans le pouvoir de la sainte, il attaque un ennemi bien supérieur en nombre. Lui-même remplissant la fonction d’enseigne, précède sa troupe et, brandissant l’étendard de la sainte, se précipité contre les ailes de l’armée ennemie, au seul cri, sans cesse répété, de /547/ « Sainte Foy, à la rescousse! » La sainte intervint en effet si puissamment que le plus grand nombre des adversaires tomba sous le fer de la petite troupe; le ravisseur adultère, chef de l’expédition, succomba percé d’un glaive, comme un tronc d’arbre sous la cognée. Dès qu’ils le virent mort, ses soldats s’empressèrent de prendre la fuite; Frédolus remporta une éclatante victoire, sans perdre un seul des siens, et s’enrichit des dépouilles du vaincu. Il rentra en triomphe dans son château; ensuite plein d’allégresse, il s’empressa de se rendre auprès de sa protectrice, sainte Foy, et fit éclater les louanges les plus magnifiques en l’honneur de la puissante auxiliaire qui avait donné la victoire à la petite troupe contre la multitude de ses ennemis.