Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Troisième

/547/ Latino →

XX.

D’un petit enfant qui fut ressuscité à Millau.

Nous ne devons pas passer sous silence un éclatant prodige, opéré par l’illustre vierge devant une multitude de témoins qui nous l’ont rapporté.

/548/ Dans la Séptimanie, il est une église dédiée a notre glorieuse martyre et située en un lieu qui, dans toute la région, porte le nom de Palais (1), nom qui rappelle la noblesse princière de ses seigneurs. Sur la décision des chefs du monastère, la vénérable statue d’or de la sainte fut transportée solennellement dans cette église. Or, sur leur route, ils devaient traverser le célèbre bourg de Millau (2). Mais ils évitèrent d’y entrer, déployèrent des tentes sur le gazon, dans une prairie, et déposèrent avec honneur la statue sainte sous un pavillon, placé au centre du campement. Les habitants du bourg, transportés d’une immense joie à cette nouvelle, accourent nu-pieds et avec mille témoignages de vénération, auprès d’une sainte si renommée, lui offrent leurs plus humbles hommages et lui consacrent leurs personnes et leurs familles.

Cependant l’un de leurs compatriotes, nommé Lambert, saisi du délire de l’impiété, se livra, à la vue de ce grand concours de peuple, aux railleries les plus ineptes et aux blasphèmes les plus injurieux contre la sainte, et refusa de suivre la foule. Sainte Foy ne pouvait tarder de châtier de tels outrages et de donner une éclatante leçon, profitable à tous. Tout à coup le blasphémateur se trouble, perd l’esprit et tombe dans la folie; à peine sait-il retrouver le chemin de sa maison. Le châtiment céleste ne se borna pas à frapper ce misérable; il s’étendit jusqu’à son jeune fils, qui fut atteint entre les bras de sa nourrice. Ce petit enfant ressentit tout à coup une violente douleur à l’un de ses yeux; une enflure prodigieuse s’y déclara aussitôt et gagna peu à peu lé front et toute la tête; l’enfant fut bientôt à l’extrémité. A ce cruel spectacle, sa mère, folle de douleur, saisit son fils dans ses bras, et jetant des cris de désolation, court se précipiter aux pieds de la sainte et dépose l’enfant devant elle.

« Glorieuse vierge, s’écrie-t-elle, ô sainte Foy, qui avez si bien justifié votre nom par vos œuvres, jetez du haut du ciel un regard de compassion sur cette infortunée que l’excès de la douleur amène à vos pieds. Laissez-vous fléchir par les cris d’une mère abîmée dans l’angoisse par la mort de son fils unique. O douce sainte, montrez-vous compatissante envers une malheureuse dont tous les membres sont torturés par la douleur. Que votre passage parmi nous soit marqué paiv des bienfaits et non par des châtiments! Illustre vierge, de quel crime a pu se i rendre coupable envers vous ce petit enfant, qui ne sait pas même bégayer? Il a encouru le châtiment avant d’être capable de péché. O grande sainte, rendez-le moi, du moins en considération de son innocence, ou bien je ne pourrai lui survivre. O glorieuse mère, ô patronne vénérable, vous voyez à vos pieds une mère qui se désole sur la mort du fruit de ses entrailles. Ne lui refusez pas votre assistance. Si vous avez été offensée par les fautes de ses parents, épargnez du moins celui que la candeur de l’âge a préservé de toute souillure. N’arrachez pas à la mère un fils qui est tout son amour et qu’elle chérit de toute son âme plus que la vie elle-même. »

Tandis qu’elle répandait ainsi, au pied de la vénérable statue, l’abondance de ses prières et de ses larmes, on vint lui annoncer le triste état de son mari, rentré à la maison. Aussitôt elle laisse le petit enfant comme inanimé entre les bras de sa nourrice, devant la statue, et revient à la hâte au logis, où elle trouve son mari malade dans son lit. Elle lui adresse les plus vifs reproches, le contraint d’avouer /549/ sa faute, lui persuade de se lever du lit et le rappelle à lui-même. Pendant ce temps, le petit enfant expirait dans les bras de sa nourrice, au pied de la statue, à la vue d’une nombreuse multitude. Il demeura ainsi froid, inanimé, toute la nuit, devant la sainte relique. Mais tout à coup, au premier citant du coq, il recouvra le mouvement et la vie, à la profonde stupéfaction des assistants, qui le regardaient comme mort. Quelques instants après cette résurrection, on voyait le père s’approcher humblement de la sainte relique, demander pardon de sa faute à la sainte et recouvrer aussitôt la santé. Il rendit les plus vives actions de grâce à sa bienfaitrice et retourna joyeux et guéri à sa maison, avec son fils ressuscité.

Ce voyage fut signalé par un si grand nombre d’autres miracles, opérés par la sainte, qu’il serait impossible de les reproduire tous sur le parchemin.

[Note a pag. 548]

(1) Il s’agit, dans ce chapitre et dans le suivant, de la procession dirigée vers Palais, dans la même occasion que celle qui est mentionnée au chap. xii du Ier livre. – Cf. chap. iv du livre II. Torna al testo ↑

(2) Millau, Amelianen, chef-lieu d’arrondissement du département de l’Aveyron; en roman Amelhau. Torna al testo ↑