Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Quatrième

/560/ Latino →

IV.

D’un homme enchaîné qui s’échappa des mains de ses ennemis.

Un chevalier, appelé Déodat, gardait un prisonnier nommé Raynold, dans son château d’Aubin (2), situé, comme on sait, à environ six milles de Conques. Voulant le décider, par les mauvais traitements, à payer promptement sa rançon, il le dirigea vers une prison plus dure, qui se trouvait dans un autre de ses châteaux. Le captif, au milieu des tourments, ne cessait d’invoquer à grands cris l’assistance de sainte Foy. Déodat, qui n’avait pu arriver à ses fins, donna l’ordre qu’on lui ramenât le prisonnier, pour le soumettre à de plus cruelles tortures. Les geôliers placèrent donc l’infortuné sur un cheval, serrèrent étroitement ses reins et ses jambes au moyen de cordes solides qu’ils fixèrent à la selle, lui lièrent les mains derrière le dos, attachèrent ses pieds sous le ventre du cheval et le ramenèrent ainsi garrotté vers le château d’Aubin. À la tombée de la nuit, ils arrivèrent au-dessus d’un bois, qui s’étendait sur tout le penchant d’une colline. Alors le prisonnier invoqua à grands cris le secours de sainte Foy et redoubla ses prières et ses vœux. La miséricordieuse sainte se laissa toucher par de si ferventes supplications. Tout à coup les liens qui sériaient étroitement le captif éclatent et se rompent, comme des fils de chanvre, au contact de la flamme. Le prisonnier, sentant l’intervention de la sainte, s’élance vivement à bas de son cheval, se sauve par une fuite précipitée jet s’enfonce dans un épais fourré. Aussitôt les gardiens se jettent à sa poursuite et le cherchent de tous côtés à l’aide de fins limiers. Mais la protection du ciel le couvrit si efficacement, que les chiens le touchèrent maintes fois en passant, sans le découvrir.

Les gardiens, voyant leurs efforts infructueux, pensèrent que le fugitif était dejà bien loin et renoncèrent à toute autre recherche. Celui-ci demeura caché pendant deux jours. Enfin, dès que ses ennemis se furent éloignés, à demi-mort de lassitude et de faim, un dimanche, il se dégagea du milieu des ronces, où il s’était tenu caché, et, jetant autour de lui, dans la campagne, un regard craintif et inquisiteur, il n’aperçut qu’un pâtre qui gardait son troupeau. Celui-ci, le voyant i sortir furtivement de sa retraite, le reconnut pour le fugitif que l’on poursuivait vainement et qui s’était tenu caché pendant deux jours dans les ronces.

« N’êtes-vous pas, lui dit-il, ce fugitif qui a échappé pendant deux jours à toutes les recherches? Sauvez-vous au plus vite et éloignêz-vous d’ici. »

Raynold lui ayant répondu qu’il ne connaissait aucun chemin, le pâtre lui apprit quel était le lieu où il se trouvait, et lui indiqua la direction qu’il devait suivre pour éviter la rencontre de ses ennemis. Grâce à cette indication, il revint dans son pays et s’empressa, peu après, de se rendre à la basilique de sa bienfaitrice. /561/ Là il publia la merveilleuse protection dont la sainte l’avait favorisé, rendit à celle-ci les plus vives actions de grâces, accomplit fidèlement les vœux qu’il avait faits et retourna plein de joie et de reconnaissance dans sa maison.

[Note a pag. 560]

(2) Voir l. I, c. V. Torna al testo ↑