Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Quatrième

/561/ Latino →

V.

D’un paysan qui avait été garrotté.

Après le miracle que nous venons de raconter et qui est des plus étonnants, en voici un autre qui ne lui est guère inférieur et qui n’est pas moins admirable.

Des voleurs ayant fait irruption, à la faveur des ténèbres de la nuit, dans un hameau voisin de Conques, avaient enlevé soit dans les parcs, soit dans les étables, les bestiaux de plusieurs paysans, et les avaient conduits et recelés dans le village qui porte depuis longtemps le nom de Golinhac (1). Deusdet, l’un des paysans volés, irrité de la perte qu’il venait de subir, se rendit secrètement dans ce village, la nuit suivante, qui était celle du samedi, afin de s’y livrer à des recherches. Il y trouva en effet une génisse qu’il avait élevée, l’enleva furtivement et se mit en devoir de ramener chez lui ce butin doublement volé. Mais il fut trompé dans ses espérances; il fut rejoint par ses ravisseurs et ramené lui-même avec sa proie dans le village. Là on lui attacha les jambes au moyen d’entraves, on lui lia étroitement les mains derrière le dos, comme à un voleur, et on l’emprisonna dans l’appartement d’un étage élevé. Durant ce barbare traitement, il ne cessa, jour et nuit, d’invoquer à grands cris l’assistance de sainte Foy. La miséricordieuse sainte ne manqua pas de lui accorder le secours qu’elle ne refuse jamais aux misérables. Un jour, qu’il était plongé dans cet assoupissement qui n’est ni le sommeil ni la veille, mais qui est propre aux prisonniers, sainte Foy lui apparut avec un visage céleste et un vêtement splendide:

« Levez-vous promptement, lui dit-elle; je vous fournirai les moyens de vous sauver. »

Réveillé par ces paroles, il reconnaît l’apparition dont il vient d’être favorisé par la sainte et secoue, par un puissant effort, ses bras garrottés. Les liens se rompent aussi aisément qu’un fil usé; ses bras deviennent libres; les chaînes qui liaient ses jambes tombent à ses pieds; il les charge sur ses épaules, sous les yeux de plusieurs spectateurs, et se sauve promptement. Arrivé à Conques, il s’empresse d’offrir à l’illustre sainte l’hommage de ses chaînes, et rend les plus vives actions de grâces au Dieu tout-puissant et à la sainte qui l’avait si merveilleusement délivré de ses liens. A notre avis, son emprisonnement fut la punition de ce qu’il avait violé la sainteté de la nuit du dimanche par cette tentative de recouvrement, auquel il donnait les apparences d’un vol.

[Nota a pag. 561]

(1) Golinhac, vicus Goliniacensis, commune du canton d’Entraygues, arrondissement d’Espalion, Aveyron, mentionné dès le xie siècle dans le Cartulaire (nº 215, 355, 442, 527). Le prieuré de Golinhac est signalé au xvie siècle comme dépendant de l’abbaye de Conques (Cartul. p. LXIX). Torna al testo ↑