Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Quatrième

/563/ Latino →

VII.

Comment un chevalier fut délivré de ses entraves.

Les miracles opérés par notre sainte sont si multipliés et se sont opérés en tant de lieux du monde entier, que leur récit serait capable de lasser la plume d’un saint Jérôme. Aussi en négligeons-nous des milliers et ne rapportons-nous que ceux que nous avons pu recueillir de la bouche des acteurs eux-mêmes ou des témoins oculaires. C’est ainsi que le prodige suivant nous a été raconté par celui même qui en a été l’objet, à la suite de cruels traitements.

/564/ Adalhelme, noble et puissant seigneur du château de Rochedagoux (1), avait fait prisonnier, d’après l’abus fréquent de nos temps, un chevalier de l’Auvergne, nommé Robert, et l’avait jeté dans un cachot. Pendant la sainte Quarantaine, le prisonnier, à la faveur d’une caution, put recouvrer sa liberté pour un délai déterminé, et rentrer chez lui. Or, aux approches de Pâques, Adalhelme, accompagné d’une nombreuse suite, se rendit à la basilique de sainte Foy, pour y faire ses dévotions. A cette nouvelle, Robert s’empresse de l’y rejoindre, dans l’espoir d’obtenir la remise de sa prison, en considération de Dieu et de sa sainte martyre. Au milieu de la solennité du saint sacrifice et devant le saint autel, l’abbé, les moines et la nombreuse assistance tout entière se réunirent pour fléchir le farouche seigneur. Celui-ci, dominé par une avarice et une dureté infernales, refusa avec obstination, soit au nom de Dieu, soit à celui de la glorieuse sainte, de remettre la peine de la prison et même de rabattre un seul denier de la rançon. Il préféra imiter la funeste obstination du Pharaon de Memphis, plutôt que de pratiquer la parole du Seigneur: « Si vous ne pardonnez à vos frères du fond du cœur, mon Père ne vous pardonnera pas non plus (2) ».

Quelle ressource restait maintenant à l’infortunée victime, sinon d’exécuter la parole donnée et de se reconstituer prisonnier? Il retourna donc à la maison et il fut de nouveau enfermé dans le cachot. Le féroce tyran, plus dur que le plus cruel des habitants de l’Achéménie (3), chargea de chaînes énormes les jambes du prisonnier, lui refusa pendant deux jours toute nourriture et toute boisson, et ne lui accorda, la troisième nuit, qu’une croûte de pain moisi. Le captif, pour se livrer au sommeil, n’avait pour tout grabat que la dure, sans nul appui, sans nul manteau. L’infortuné, au milieu de ses tortures, ne cessait d’implorer le secours de sainte Foy; la miséricordieuse sainte le délivra maintes fois de ses entraves et de ses lourdes chaînes. Adalhelme, dans sa perversité, ne fit aucun cas de ces prodiges éclatants. Surpassant même ce tyran qui enfermait des hommes dans un taureau d’airain et les brûlait vivants, il enferma sa victime dans une étroite cage de bois, qu’il fit construire au plus haut étage de la tour, et soumit ses jambes à la torture dans des bodies ou entraves, où pouvaient à peine s’introduire les pieds d’un enfant de sept ans. En outre des geôliers furent chargés de veiller pour empêcher son évasion.

Or, une nuit, les ténèbres envahissant la terre augmentaient l’horreur de l’obscurité du cachot, l’infortuné gisait à terre; un léger sommeil, au milieu de ces épaisses ténèbres, donnait quelque relâche à la torture de ses membres, lorsque tout à coup apparaît à ses yeux la glorieuse sainte, éclatante d’une splendeur incomparable. Elle s’informe de ses souffrances et lui dit d’une voix douée d’un charme tout céleste:

« Ne tarde plus; hâte-toi de prendre la fuite, sans souci de tes chaînes ou de ta prison; tous tes fers sont rompus. »

A ces mots, la radieuse apparition s’envole dans les cieux. Le captif s’éveille, le cœur inondé d’une immense joie, voit à terre ses énormes chaînes qu’il ne peut songer à emporter, à cause de leur poids, ouvre sans effort l’étroite porte munie de serrures et de verrous, passe sur le corps des geôliers endormis sur le seuil de la prison, et d’un bond vigoureux franchit l’étage où il se trouvait. La bâtisse de la /565/ tour n’était qu’un assemblage de pierres sans ciment, reliées au moyen de poutres: le prisonnier réussit à y percer une ouverture, s’évade et parvient heureusement à sa maison. Il s’y arrête à peine et s’empresse de se rendre auprès de sa libératrice et de lui témoigner la plus vive reconnaissance, tandis que la basilique retentissait des louanges divines et des actions de grâces que réclamait un tel bienfait.

[Note a pag. 564]

(1) Rocehedagoux, Roca Dafulgi et mieux Dagulfi, commune du canton de Pionsat, arrondissement de Riom, Puy-de-Dôme. De ce château on ne voit plus que de faibles restes. Torna al testo ↑

(2) S. Math. xviii, 35. Torna al testo ↑

(3) Province de l’ancienne Perse. Torna al testo ↑