Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Quatrième

/568/ Latino →

IX

D’un autre chevalier qui, saisi par ses ennemis, fut merveilleusement délivré de leurs mains.

Le miracle suivant diffère du précédent par la manière dont il fut accompli, mais l’objet en est le même, et il célèbre aussi hautement la puissance de notre glorieuse sainte. Nous l’ajoutons donc à la suite.

Un grand nombre d’entre vous connaissent le château de Salignac (2), en Périgord. Le seigneur de ce château, nommé Bernard, animé d’une vive dévotion envers sainte Foy, avait la pieuse coutume de se rendre chaque année à son pèlerinage. Un jour, /569/ s’étant mis seul en route, portant au côté l’escarcelle, insigne du pèlerin, il se dirigeait vers une hôtellerie où il devait trouver des compagnons de pèlerinage, pour faire chemin le lendemain avec eux. Or le soleil cachait dejà sa tête sous les flots de l’océan, lorsqu’il fit la rencontre fortuite d’Archambaud, son ennemi mortel, suivi de cinq hommes d’armes. Fait prisonnier par eux, il eut beau invoquer hautement le nom de sainte Foy, il fut retenu sans merci. Mais sa prière ne fut pas vaine, et la sainte ne tarda pas à lui fournir l’occasion d’échapper de leurs mains. Elle amena vers lui, à la faveur d’une erreur de route, causée par l’obscurité de la nuit, le frère de Bernard, suivi d’un seul écuyer. Celui-ci, ayant heurté la troupe ennemie, au milieu des ténèbres, jette des cris d’alarme et demande qui ils sont. Le prisonnier, reconnaissant la voix de son frère, s’empresse de lui crier qu’il est tombé entre les mains de ses ennemis et de lui demander secours. Ce dernier, à la pensée de délivrer son frère, se précipite au combat avec une fougue impétueuse; oublieux de lui-même et des siens, il ne craint pas de s’exposer à la mort, seul contre cinq et ne calcule ni le nombre ni la qualité de ses adversaires. Bernard, sans armes, se jette avec audace sur Archambaud et avance sa main pour le saisir; à ce moment, par l’effet de la puissance divine jet de l’invocation de sainte Foy, la lance de l’un des ennemis lui tombe sous la main. Muni de cette arme, il s’élance au combat avec autant de vaillance que jadis Jonathas contre les Philistins (1). Les deux frères, unissant leurs efforts, mettent en fuite leurs adversaires et demeurent maîtres du terrain. L’heureuse issue de la lutte redouble la confiance et la joie de Bernard. Rejoint par des compagijons de route, il s’achemine vers la basilique de Sainte-Foy, afin de rendre à sa libératrice les plus vives actions de grâces pour une telle faveur. Plein de confiance en la lance merveilleuse, il ne fit désormais aucune difficulté de combattre avec un petit nombre des siens contre un ennemi bien supérieur, sachant bien qu’il avait toujours pour auxiliaire la sainte qui lui avait procuré une arme, par la main de l’ennemi. Plus tard, il l’offrit à sainte Foy, en ex-voto du miracle; on la conserve encore aujourd’hui; elle sert de hampe pour porter les bannières.

Bornons ici les récits des délivrances des prisonniers. Le nombre de ces prodiges augmente tous les jours et devient immense. La langue humaine peut à peine effleurer les principaux; une vie entière de travail ne suffirait pas à les décrire tous. Notre ambition doit se borner à puiser dans ce vaste océan, au moyen d’une petite coupe, afin d’étancher l’ardeur de la soif des fidèles par ce doux breuvage. Ne cessons jamais néanmoins de célébrer ces prodiges, à la gloire du Tout-Puissant, qui, toujours admirable dans ses saints, daigne combler les hommes de tant de bienfaits, par les mérites de son illustre martyre.

[Nota a pag. 568]

(2) Le château de Salignac, non loin de Sarlat (Dordogne), fut six cents ans plus tard le berceau de Fénelon. Torna al testo ↑

[Nota a pag. 569]

(1) Ier liv. des Rois, xiv, 13. Torna al testo ↑