Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Quatrième

/569/ Latino →

X.

D’un chevalier qui avait reçu une blessure (2).

Voici maintenant les prodiges étonnants de guérison qui réclament leur tour dans notre récit, et parmi eux d’abord le miracle que nous allons raconter.

/570/ Deux seigneurs de l’Albigeois se faisaient une guerre acharnée et signalée par maints combats où la fortune donnait la victoire aux uns et précipitait les autres dans les abîmes de Leucate. Les vaillants gagnaient pied; les timides cédaient la place. Dans l’une de ces rencontres, on combattait corps à corps, les mains touchaient les mains, on n’employait d’autre arme que le glaive; nos chevaliers frappaient et recevaient de grands coups. L’un d’eux, nommé Rigald, après avoir terrassé maints adversaires, reçut un trait qui lui perça le bras droit et dont le fer s’enfonça profondément dans les côtes. A la suite de cette grave blessure, son bras fut paralysé, au point qu’un fer rouge placé sur la main du blessé ne provoquait aucune sensation. L’infortuné, accablé par le désespoir, préférait la mort à une vie rendue inutile et odieuse par une telle mutilation. Obligé de renoncer au métier des armes, il perdit complètement l’usage du cheval.

Son seigneur, sous lequel il avait fait ses premières armes et qui lui avait conféré le baudrier de chevalier, désolé du malheur qui lui était arrivé, cherchait avec ardeur un moyen de lui procurer la guérison. Un jour, selon sa coutume, il s’était rendu en pèlerinage auprès de sainte Foy. Le soir, il sortit de l’hôtellerie, avec un grand nomhre d’autres pèlerins, munis de cierges allumés, et se dirigea vers la basilique. Or un vent violent s’éleva et éteignit tous les cierges; leur flamme se changea en épaisse fumée. Les pèlerins les allument de nouveau. Alors le seigneur, désireux d’obtenir la guérison du blessé, dit:

« Voici le signe manifeste par lequel je reconnaîtrai que la sainte daignera guérir notre ami Rigald; que mon cierge demeure seul allumé jusqu’à notre arrivée à la basilique, tandis que la violence du vent aura éteint tous les autres. »

Sa demande fut aussitôt exaucée. Il accomplit ses dévotions, et, à son retour, il fit connaître à Rigald la marque de protection qu’il avait obtenue en sa faveur, et lui conseilla d’entreprendre aussitôt avec confiance le pèlerinage de Sainte-Foy, Le chevalier, bien que sa confiance fût peu vive, se rendit à Conques et implora l’assistance de la sainte martyre. Dans la célébration de la veille sacrée, au pied du tombeau de la sainte, il fut pris par le sommeil et s’y abandonna entièrement. Il entendit alors, sans voir personne, une voix qui lui disait:

« Pourquoi demeures-tu plongé dans un si profond sommeil? Lève-toi promptement et munis-toi aussitôt du signe de la croix. »

La voix renouvela le même avertissement jusqu’à trois fois. Alors, frappé d’étonnement, il se dresse sur ses pieds, et, sans plus penser a son infirmité, il lève sa main droite, paralysée jusque-là, et exécute l’ordre donné par la voix. A ce mouvement, il revient à lui et reconnaît la faveur de la guérison qu’il vient de recevoir de la bonté de Dieu, par les mérites de sainte Foy. Aussitôt il fait part joyeusement à ses compagnons du bienfait qu’il a reçu, et tous font éclater la plus vive joie à la vue de cette guérison miraculeuse.

[Note a pag. 569]

(2) Dans le texte, il y a eu transposition entre le titre de ce chapitre et celui du chapitre XVII du même livre; nous maintenons le titre en signalant l’erreur. Torna al testo ↑