Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Quatrième

/570/ Latino →

XI.

D’une épaisse forêt, dont les arbres étaient couverts de feuillage.

La vérité du récit qui va suivre est confirmée par le témoignage sensible du merveilleux monument qui est, encore aujourd’hui, l’objet de l’étonnement des habitants de tout le pays.

/571/ Arnaud, évêque de Rodez, d’heureuse mémoire, ayant convoqué un synode (1), ordonna, pour en rehausser la solennité, que les châsses des saints y fussent portées de tous les points de son diocèse. Adalgerius (2), de vénérable mémoire, abbé de Sainte-Foy de Conques, envoya des serviteurs auprès d’un seigneur, nommé Bernard et surnommé Astrinus(3), pour le prier de lui donner des branches de sa forêt, afin de dresser une tente de verdure à la sainte. Celui-ci, dominé par l’avarice, répondit qu’il avait dejà donné gratuitement de la verdure à d’autres saints, mais qu’il ne donnerait rien, sinon à prix d’argent, pour sainte Foy, la plus opulente de tous. L’abbé accepta cette condition et convint de lui donner sept sols de ce feuillage. On coupa donc, dans la partie indiquée du bois, les branches nécessaires, et on dressa un dôme de verdure sous lequel fut placée la statue de la glorieuse sainte, qui y opéra les miracles les plus éclatants.

Mais la sainte voulut manifester quel détriment la cupidité cause à nos âmes et à nos biens. Au retour du printemps, qui répare les pertes subies par les arbres et revêt ceux-ci d’un vert manteau de feuillage, nul des arbres, qui avaient été payés à prix d’argent, sans condition de retour pour la sainte, ne reverdit, tandis que les autres sel couvrirent de feuilles comme de coutume. A notre avis, la sainte voulut ainsi garder entièrement ce qu’elle avait acquis définitivement de ses deniers; car un objet vendu sans retour demeure de droit en possession de l’acheteur, tandis qu’un objet prêté par complaisance doit rentrer, selon toute justice, en la possession du prêteur. La céleste acheteuse ayant donc payé son bois, l’employa à son usage; elle refusa de le rendre; c’était son droit. Elle n’avait, il est vrai, nul besoin de le garder; mais elle voulut montrer, par cette leçon, combien la cupidité doit être extirpée de tous les cœurs et combien les intérêts de Dieu doivent être préférés à tous les profits.

[Note a pag. 571]

(1) Il a été question de ce synode au chapitre XXVIII du livre Ier. L’évêque Arnaud, d’heureuse mémoire, étant mort l’an 1031, l’auteur de ce récit écrivait après cette époque. Torna al testo ↑

(2) Pour l’abbé Adalgerius, voir le ch. XIII du liv. I. Torna al testo ↑

(3) Bernard, surnommé Astrinus, est peut-être le même que le riche seigneur dont il a été question au chap. XII du Ier livre, sous le nom d’Austrinus. Torna al testo ↑