Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Quatrième

/577/ Latino →

XVIII.

Résurrection d’un mulet.

Nous allons maintenant vous présenter le récit succinct d’un prodige des plus merveilleux, opéré de notre temps par la glorieuse servante du Christ, sur le chemin du pèlerinage de saint Pierre, prince des apôtres.

Dans la province d’Italie appelée la Lombardie, un chevalier du Rouergue, nommé Garbert, rencontra un noble et vaillant seigneur du Poitou. Après s’être salués mutuellement, les deux pèlerins s’associèrent et poursuivirent ensemble leur voyage. Chemin faisant, ils s’entretenaient de mille choses diverses; dans le cours de la conversation, ils vinrent à parler des merveilles de sainte Foy, et le pèlerin du Rouergue se mit à célébrer avec enthousiasme les miracles de la sainte. Le Poitevin accueillit ce récit par le témoignage de la plus vive admiration. Les pèlerins arrivèrent ainsi au bourg de Saint-Domninus (1) et se rendirent à l’hôtellerie. Là le mulet du seigneur poitevin, auquel son maître tenait beaucoup, fut saisi d’un mal si grave, que, à la pointe du jour suivant, il était sur le point d’y succomber. Garbert, se /578/ souvenant des merveilles que sainte Foy avait plus d’une fois opérées à l’égard de animaux, demanda à son compagnon s’il avait essayé quelque remède pour guérir cet animal?

« Aucun, répondit celui-ci.

— Vous n’avez pas oublié, reprit Garbert, tout ce que je vous ai raconté au sujet de la puissance de sainte Foy. Offrez à la sainte une pièce d’or et aussitôt votre mulet sera guéri. »

Celui-ci, sans plus tarder, tire de son escarcelle un besant d’or et le présente au chevalier, pour qu’il le donne à sainte Foy. La sainte différa d’exercer sa puissance, se réservant de la montrer ensuite avec plus d’éclat; elle n’intervint nullement pour rendre la santé au mulet et prolonger sa vie. Que faire? Déjà le jour qui se lève invite les pèlerins à poursuivre leur chemin. On traîne hors de l’écurie le cadavre de l’animal; son maître n’en retire que le prix de la peau. Nos pèlerins se remettent en route, pleins de tristesse, aussi bien celui qui avait reçu la pièce d’or, comme gage de la guérison, que celui qui se voyait contraint de subir la perte de sa monture. Le chevalier du Rouergue, pénétré d’une confusion extrême pour avoir trop présumé de la puissante intercession de sainte Foy, tire le besant d’or pour le rendre à son compagnon et le lui tend non sans rougir.

A ce moment, son attention est attirée par un bruit qui retentissait derrière eux, celui du galop précipité d’un coursier et du pas rapide d’un homme courant à sa poursuite. Il se retourne et voit de loin le mulet galopant sur la route, et le maître de l’hôtellerie faisant de vains efforts pour le joindre. A ce spectacle, Garbert fait éclater sa surprise par des acclamations en l’honneur de sainte Foy, et remet victorieusement dans son escarcelle la pièce d’or qu’il avait tendue avec tant de confusion. Les pèlerins arrêtent le mulet et interrogent le maître de l’hôtellerie sur ce qui s’est passé.

« Oh! que vous êtes heureux, s’écrie celui-ci, d’être sous le patronage d’une vierge si puissante, qui étend sa protection non seulement sur vos âmes, mais encore sur les corps dont elle est l’admirable guérisseuse! Cette vierge, si grande par ses mérites et ses œuvres, ne cesse de vous assister dans vos besoins. Elle va jusqu’à rendre la vie à vos bêtes! Ce mulet, que vous voyez maintenant plein d’ardeur, était tout à l’heure étendu sur la terre, montrant les dents, sans mouvement et sans vie; il était dejà entre les mains de ceux qui devaient le dépouiller de sa peau, lorsque tout à coup, votre sainte lui ayant redonné la vie, il se dresse d’un bond subit, nous échappe et court se remettre à votre service. »

A ce récit, toute la troupe des pèlerins fait éclater à l’envi des acclamations et remplit les airs des louanges de sainte Foy. Le seigneur poitevin rendit avec joie les huit pièces d’argent qu’il avait reçues pour la peau de l’animal et poursuivit sa route, de concert avec son compagnon, vers le sanctuaire des saints apôtres. A leur retour, les pèlerins offrirent la pièce d’or, objet du vœu, avec mille actions de grâces.

[Nota a pag. 577]

(1) « Entre Parme et Plaisance, sur la voie Emilia, dans la Gaule Cisalpine ou Lombardie Cispadane, est située la ville de Saint-Domninus, qui emprunta son nom à saint Domninus, martyrisé en ce lieu, pendant la persécution de Dioclétien. Quelques-uns pensent que cette ville est l’antique Julia Fidentia et a échangé ce nom pour celui de l’illustre martyr. » (Ughello, Italia sacra, II, p. 62.) – Aujourd’hui Borgo San-Donnino, chef-lieu de circonscription, à 24 kilomètres de Parme. Torna al testo ↑