Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Quatrième

/578/ Latino →

XIX.

Semblable miracle opéré en faveur de l’âne d’un homme pauvre.

Puisqu’il s’agit de la résurrection des bêtes, il convient d’insérer dans ce récit le prodige que le Seigneur, par les mérites incomparables de sainte Foy, daigna opérer sur un animal de même espèce, dans le bourg même de Conques.

/579/ L’un des serviteurs des religieux consacrés dans ce lieu au service de Dieu, un homme marié, possédait un âne qui l’aidait à gagner sa vie dans son petit commerce. Or, un jour, l’humble bête de somme, ayant été atteinte d’un mal des plus graves, était sur le point de périr et de causer ainsi un dommage irréparable à son maître. Celui-ci, désolé à la pensée de perdre son unique gagne-pain, s’empressa d’offrir un cierge à la glorieuse martyre, pour la guérison de l’animal, et, prosterné au pied des reliques de la sainte, il la priait avec ferveur de l’exaucer. Ses prières furent vaines; elles ne devaient être exaucées qu’après la mort de la bête. Elle ne tarda pas à périr; c’était la ruine de la pauvre famille. On tire au dehors le cadavre destiné à devenir la proie des animaux sauvages et des oiseaux de rapine, et on se met en devoir de le dépouiller de sa peau. Déjà la peau de l’une des cuisses était enlevée; le tranchant du fer avait entamé l’autre. L’infortuné serviteur, voyant la misère en perspective, adressait toujours ses plaintes et ses prières à sainte Foy, parfois avec de; douces et affectueuses paroles, plus souvent avec des reproches amers:

« O sainte Foy, lui disait-il, vierge mille fois bénie, puissante protectrice des misérables, vous qui avez été jusqu’ici mon refuge et ma compatissante patronne, exaucez-moi et retirez de cet abîme de lamentable détresse cet infortuné, le plus misérable des hommes, que vous aviez jusqu’ici nourri de vos bienfaits, que vous aviez couvert dû manteau de votre protection et que vous aviez daigné préserver des funestes effets de nombreuses calamités. Vous êtes mon unique espérance, mon salut, mon refuge assuré contre les coups de l’adversité. O glorieuse dame, si vous prenez soin des superbes palais des riches, si vous soulagez ceux-ci fréquemment dans leurs maux, si vous les assistez avec tant d’empressement dès qu’ils vous invoquent, combien plus attentive doit être votre main à protéger les petits intérêts des pauvres, surtout dé ceux qui sont à votre service! Je sais que vous avez le pouvoir de rendre la vie à cette bête qui était ma ressource; vous êtes célébrée partout pour avoir opéré souvent de semblables merveilles. »

A ces mots, il s’éloigne tout en larmes du cadavre de l’animal et court de nouveau en toute hâte à la basilique de la sainte, un cierge à la main. A peine l’a-t-il allumé que le corps glacé de l’âne retrouve tout à coup la chaleur en recouvrant son principe vital ou un autre semblable, et se redresse miraculeusement sur ses pieds. O lecteur, qui que vous soyez, quel étonnement vous eût saisi, quelle stupeur vous eût frappé devant le spectacle que présentait cet animal portant sur son dos les stigmates de la mort, un lambeau de sa peau dépouillée pendant sur sa cuisse! Quel est le cœur de rocher à qui un tel spectacle n’arracherait des larmes de joie? C’est ainsi que la sainte console ce pauvre désolé et lui rend l’humble auxiliaire de son négoce. Elle ne délaisse point dans l’angoisse ce protégé qu’elle avait nourri de ses bienfaits et qui avait grandi sous son aile maternelle. O sainte Foy, vous êtes toujours aussi propice à ceux qui vous invoquent, vous les assistez dans l’adversité, votre nom est devenu glorieux par les incomparables prodiges qui vous ont acquis une telle célébrité.

Quant au lambeau de peau resté pendant, il ne doit être pour personne un sujet d’inquiétude. Sainte Foy, dédaignant de recourir à l’art médical que l’on puise dans les traités des plantes vulnéraires, – préféra l’efficacité souveraine de l’intervention céleste. Sa gloire avait éclaté dans l’œuvre principale; elle brilla de même dans ce petit détail.