Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Quatrième

/580/ Latino →

XX.

D’une dame qui fut guérie de la difformité de hideuses verrues.

Avec quel éclat sainte Foy a fait briller, dans les petites choses aussi bien que dans les grandes, une puissance digne d’être célébrée par toutes sortes de louanges, c’est ce que démontre le témoignage de ses innombrables prodiges. Si, encouragé par l’autorité imposante de tant de miracles, nous ne faisons pas difficulté d’en présenter la fidèle relation à vous qui en avez été les spectateurs, c’est pour l’édification des âges futurs. Si l’on nous a reproché d’avoir jusqu’ici traité avec une concision trop laconique cette sublime matière digne d’exercer l’art des plus éloquents écrivains, du moins nous ne nous serons pas laissé écraser par la masse de tant de prodiges qui surgissent innombrables de tous côtés, et nous ne les aurons point passés sons silence. Nous avons préféré traiter sommairement et d’une manière rapide plusieurs sujets édifiants pour le lecteur, plutôt que de nous attarder à chacun d’eux avec une prolixité fastidieuse, en donnant aux petites choses l’importance des grandes. Ces récits sont combinés dans de telles proportions que le lecteur d’une part sera charmé par la sobriété de l’exposition, et, d’une autre, y apprendra pourquoi l’univers entier retentit du bruit des merveilles de la vierge sainte, de l’illustre martyre. Si je ne m’abuse, mon œuvre! est présentée de telle sorte que le lecteur ne sera pas dégoûté par une diffusion fastidieuse et que l’ignorant ne sera pas rebuté par une obscure concision. Comment en effet les péripéties de la narration pourraient-elles exciter l’intérêt des auditeurs, si leur attention était paralysée par des obscurités qui les empêchent de comprendre? Si la foi vient de l’entendement (1) et si l’entendement s’instruit par la parole, il importe avant tout que la parole du narrateur soit présentée avec un tel art qu’elle soit capable de charmer l’esprit des auditeurs par sa douce insinuation et de les captiver par l’intérêt du récit. Mais c’est assez discouru. Venons maintenant au récit; des gestes merveilleux de la grande sainte; fixons-les dans cet écrit.

Dès son bas âge, une jeune damoiselle de noble naissance avait la main droite bosselée de grosses verrues qui avaient été rebelles à l’action du suc de genièvre et du jus laiteux de l’euphorbe tithymale. Dès qu’elle eut l’âge nubile, elle devint l’épouse d’un gentilhomme de sa condition. A table, elle s’efforçait de cacher, sous un pli de son voile, sa main parsemée d’excroissances. Comme; elle était voisine /581/ du lieu saint où réside notre glorieuse vierge, elle s’y fît conduire avec son mari pour y faire ses dévotions. Dès son arrivée, elle se met en prières, et aussitôt son esprit est obsédé par la pensée de ces verrues importunes qui lui causent un si cruel chagrin, et elle passe la veille tout entière à implorer sa guérison. Le matin, après les prières, la petite caravane reprend le chemin de son pays.

Lorsqu’ils eurent gravi le sommet sourcilleux de la montagne, les pèlerins se prosternent à genoux, adressent un dernier salut affectueux à la glorieuse vierge et la supplient; instamment encore une fois de leur accorder les faveurs qu’ils sont venus implorer de sa bonté. En se relevant, ils tracent le signe victorieux de la croix sur leur front et sur leur cœur et se remettent en marche. La jeune dame jette alors un regard sur sa main difforme. O merveille! les verrues ont disparu; la main est aussi nette que si jamais elle n’avait été déformée. Telle la main de Moïse, au commandement, du Seigneur, se couvrait de lèpre et, un moment après, sur le même commandement, redevenait parfaitement saine (1). Cependant la main de la dame parut marquée d’une extrême délicatesse de peau et d’une teinte rosée; c’était comme le léger stigmate d’un mal récemment guéri. La dame, stupéfaite et joyeuse, cacha d’abord à son mari la grâce qu’elle venait de recevoir. De retour dans sa maison, elle sortit de son sein sa main qui fut trouvée aussi parfaitement guérie que si jamais elle n’avait eu aucun mal. A cette vue, son mari et ses proches se félicitent de cette faveur merveilleuse et célèbrent d’une voix émue les louanges de la grande sainte qui ne cesse de faire éclater sa puissance prodigieuse.

Mais, ô dessein mystérieux de la suprême Sagesse qui, ayant poli les hauteurs sublimes du firmament, a voulu que la terre fût bosselée de montagnes d’inégale grandeur, pour quelle cause, pour quel châtiment les verrues disparues de la main droite reparurent-elles sur le pied droit? Nous savons, ô Dieu, que vous ne faites rien sans motif: et que votre Providence indiscutable ne peut jamais errer dans ses dispositions. Rien de ce qui arrive ne vous reste caché. Lorsque la suivante de la dame, après lui avoir ôté son manteau, l’eût déchaussée, alors apparut sur le pied l’amas de verrues que sainte Foy, par la permission divine, avait extirpé de sa main. Celle-ci en avertit aussitôt son mari. Le lendemain, ils retournèrent tous deux à la basilique de la sainte pour lui offrir leurs remerciements et leurs hommages et pour se purifier des fautes qu’ils pouvaient avoir commises.

Néanmoins Avigerne (2), tel était le nom de la dame, garda toujours ces verrues à son pied, en témoignage de la faveur qu’elle avait reçue. Cette marque indélébile lui rappela, toute sa vie, l’obligation qu’elle avait contractée de rendre gloire à la puissance de sainte Foy.

[Nota a pag. 580]

(1) Rom. x, 17. Torna al testo ↑

[Note a pag. 581]

(1) Exod. iv, 6, 7. Torna al testo ↑

(2) Cette Avigerne ovi Avierne est la même que celle dont il a été question au chap. XXII du liv. I et qui était la seconde femme d’Austrin de Conques. Torna al testo ↑