Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Quatrième

/581/ Latino →

XXI.

D’un paysan pervers.

Le moine Deusdet, dont nous venons de parler (3), avait d’abord construit une église en bois, en l’honneur de sainte Foy, à Sardan, dans le territoire de Bazas. /582/ L’humble édifice, simple assemblage de poutres et de planches, n’offrait aucune beauté dans sa forme; mais il était honoré de la vertu du Très-Haut. Des paysans, qui travaillaient à arracher un bois afin de le défricher, passaient tous les jours devant l’église et ne manquaient jamais de s’incliner profondément devant elle. L’un d’eux, poussé par une détestable impiété, se mit à blâmer cette pratique:

« Je suis surpris, leur dit-il, de votre stupidité. Tous les jours, vous vous prosternez devant cette masure et vous vous imaginez que les prières que vous y offrez vous obtiendront le salut. Pour moi, mieux avisé que vous, je la regarde comme une baraque de forge. »

Le misérable! Il n’avait pas compris que cet édifice, par sa consécration sainte et par sa dédicace à la glorieuse vierge, était rempli de la divine puissance. C’est par une semblable erreur que les hérétiques, méconnaissant le mystère de la grâce divine, refusent à l’eau, qui sert de matière au sacrement de la régénération, toute autre vertu que sa propriété naturelle et n’admettent pas qu’elle puisse changer de destination. Ils ignorent, ils ne veulent pas croire qu’il y a deux éléments distincts dans le sacrement: l’eau et la grâce, et que l’union de ces deux éléments, par la vertu divine, forme le sacrement. De même l’édifice matériel, auquel on joint la bénédiction spirituelle, devient un temple vénérable de notre mère la sainte Eglise.

Notre téméraire paysan, atteint de la même démence, fut forcé, par un châtiment qui frappa son corps, de donner son adhésion à cette doctrine qu’il blasphémait en pleine santé. Châtié en effet par la justice divine, le misérable, qui s’était élevé contre l’œuvre de Dieu, fut aussitôt terrassé par une force invisible; ses genoux pliés violemment se contractèrent douloureusement; il se roula dans la boue et fut atteint d’une sorte de folie. Ses compagnons, stupéfaits à ce spectacle, se frappent vivement la poitrine, rendent hautement gloire à Dieu, recueillent l’infortuné blasphémateur et le transportent dans l’église, offrant, d’un commun accord, les prières les plus ferventes pour sa guérison. La nuit suivante ils célèbrent avec lui la veille sacrée. Ils ne tardent pas à voir leurs prières exaucées et à éprouver les bienfaisants effets de la miséricorde toujours prête de sainte Foy. La même puissance merveilleuse, qui avait terrassé l’arrogant blasphémateur, le releva et le guérit après qu’il se fut humilié.

Dès lors, cette église inspira au loin la plus profonde vénération; on comprit que sainte Foy l’avait choisie pour l’un des centres où elle fait éclater les prodiges de sa puissance.

[Nota a pag. 581]

(3) Ce moine est en effet désigné sous le nom de Deodatus an chapitre précédent du manuscrit conservé à Conques (Append. I, 2). Il est question, dans le Cartulaire, vers l’an 1076 (nº 50), d’un moine de même nom, constructeur d’églises dans le Bazadais. Torna al testo ↑