Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Livre Quatrième

/582/ Latino →

XXII.

De celui dont sainte Foy guérit de diverses maladies la famille et les troupeaux.

Dans le pays toulousain, en un lieu nommé Belcassé (1), un agriculteur, appelé Arnald, cultivait sa terre avec l’aide de ses bœufs. Il nous a raconté que sainte Foy l’avait souvent préservé des funestes effets d’accidents fâcheux et l’avait fréquemment protégé dans ses malheurs. Un homme qui habitait sa maison fut attaqué d’une maladie dangereuse, qui le conduisit aux portes du tombeau. Arnald eut aussitôt /583/ recours à son refuge habituel, à la sainte dont il avait si souvent éprouvé la protection, et lui rappela toutes les faveurs qu’il en avait dejà reçues.

« O glorieuse vierge, lui dit-il, ô bienfaisante sainte qui toujours m’avez exaucé, qui jamais ne m’avez repoussé, et qui pouvez tout ce que vous voulez, j’ai recours à votre puissance et à votre bonté en faveur de mon hôte dangereusement malade, il n’a plus qu’un souffle de vie. O dame toute puissante, conservez-lui la vie prête à s’éteindre, rendez-lui la santé. Son rétablissement que nous implorons nous comblera de joie et ajoutera un nouveau titre à votre gloire. »

Il venait à peine de terminer cette prière, lorsque sainte Foy, touchée de tant de confiance, accorda la guérison à cet homme. L’épouse d’Arnald elle-même fut, bientôt après, attaquée d’une forte fièvre, qui la réduisit à l’extrémité. Le mari recourut encore une fois à sa ressource accoutumée. Sainte Foy, toujours propice, envoya à la malade une abondante transpiration, qui dissipa aussitôt la fièvre.

L’infection de l’air, dans ce pays, ne tarda pas à empoisonner les herbages et les sources; les pâturages de notre cultivateur furent atteints. Les troupeaux de ses voisins furent frappés; leur bétail, haletant et suffoqué, périssait en écumant. Le bœuf le plus fort des troupeaux d’Arnald fut atteint de cette peste; l’enflure s’était manifestée au fanon. A ce signe, reconnu comme avant-coureur infaillible de la mort, Arnald ordonne à ses serviteurs de se disposer à dépouiller la bête de sa peau. Le mal faisait des progrès rapides; une épaisse vapeur, qui se dégageait de l’animal, annonçait dejà sa fin; les serviteurs accouraient, prêts à exercer leur office. Dans ce court intervalle, le cultivateur se tourne vers son épouse:

« Hélas il lui dit-il, combien je suis perplexe! Je vous l’assure, le malheur nous a ôté l’esprit; nous avons perdu le sens et le conseil de notre sagesse. Je ne sais plus ce que je puis faire, ni ce que je veux ou ne veux pas; je ne possède plus mon savoir-faire ordinaire. Je ne vois qu’une seule ressource, trop tardive, il est vrai, pour la conservation de cette bête, mais propre à conjurer la perte du reste du troupeau. Fabriquons un cierge de la longueur de l’animal qui se meurt, et offrons-le pour qu’il soit allumé devant l’autel de sainte Foy. »

Aussitôt la femme, docile et pleine de confiance, étend sur le bœuf un fil pour mesurer son corps inanimé et prêt à être dépouillé. Au même moment, les membres glacés de l’animal recouvrent la chaleur de la vie; le bœuf relève la tête, se redresse sur ses jambes, se secoue et ne conserve plus aucune trace de son mal. La guérison de cette bête fut le garant de la préservation du reste du troupeau; la contagion n’y fit point d’autre victime.

[Nota a pag. 582]

(1) Saint-Martin de Belcassé, Bellocassinus, dans la commune de Castel-Sarrasin chef-lieu d’arrondissement du Tarn-et-Garonne. Avant 1318, cette région faisait partie du diocèse de Toulouse. Torna al testo ↑