Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy

/600/ Latino →

3º Récits spéciaux au manuscrit de Chartres (1)

I.

D’un jeune homme ressuscité par sainte Foy.

Il est, dans le pays Toulousain, un bourg bien connu de nous et auquel les habitants du voisinage ont donné le nom de Colomiers (2). Dans ce lieu était un homme opulent, appartenant à cette noblesse moyenne qui a un grand nombre d’inférieurs et peu de supérieurs; il était honoré comme le seigneur du bourg. De son mariage avec une femme noble et vertueuse, il avait eu un fils unique, nommé Raymond. Ce fils, il l’éleva avec une extrême sollicitude, comme son unique héritier en qui il plaçait, par un sentiment commun à tous les pères, la consolation et l’appui de sa future vieillesse.

L’enfant grandit, puis devint adolescent, enfin jeune homme, donnant à ses parents les plus flatteuses espérances d’avenir, tempérées à peine par quelque réserve. La perte de ce fils n’en devait être plus tard pour eux que plus amère, plus douloureuse. Dès qu’il fut parvenu à cet âge, il tomba malade, et son mal s’étant aggravé, il donnait dejà les signes d’une mort prochaine. Amaigri, exténué par la durée de la maladie, il fut à bout de forces, et tous les remèdes ayant été impuissants, il s’éteignit et rendit le dernier soupir. Tandis que les parents se livraient à la désolation, les voisins, accourus à la nouvelle de ce deuil, ne songeaient qu’à préparer les funérailles et, soulevant le corps de sa couche, ils le paraient pour l’ensevelir. Pendant ces préparatifs, sa mère, dont le cœur, comme celui de toutes les femmes, était plus sensible à la douleur, subissait les tortures de l’angoisse. Dans l’excès de sa douleur elle se précipite, déchirant ses vêtements, s’arrachant les cheveux, mais ne pouvant proférer une seule parole. Réspirant enfin et rompant ce long silence, elle s’écrie, d’une voix entrecoupée de sanglots: « Malheureuse que je suis! Que me sert de survivre à mon fils qui n’est plus? Tant que mon fils me manque, rien ne me plaît que la mort. O douleur! Plût à Dieu que je ne t’eusse pas engendré! Tu ne méritais que trop de survivre à ta mère! »

Quand elle eut cessé d’épancher en de telles lamentations la douleur de son âme, elle songea au pouvoir merveilleux de sainte Foy, dont ellej avait entendu naguère raconter les nombreuses merveilles, publiées dans cette région. Alors elle se mit à implorer sans relâche le secours de la sainte. Mais pourquoi m’attarder? Le corps est déposé sur le brancard et transporté à l’église pour les derniers devoirs que l’on doit remplir envers les morts avant la sépulture. Mais à peine les porteurs ont-ils déposé leur fardeau sur le pavé sacré, que la mère éclate en sanglots, comme si elle ne faisait que commencer ses lamentations. Elle s’écriait et répétait souvent que, si sainte Foy lui rendait son lils, elle le vouait à son service et s’engageait, /601/ en reconnaissance de cette résurrection, à porter elle-même, chaque année, à Conques et à offrir deux pièces d’or comme un tribut d’hommage perpétuel.

« O sainte Foy, disait-elle, consolez ma douleur amère. Que votre intercession, ô vierge puissante, m’obtienne ce que j’implore. Les merveilles que vous avez dejà opérées nous donnent la confiance que vos mérites m’obtiendront l’objet de mes vœux. Je vous en supplie donc, rendez-moi le fils que la mort m’a ravi; sinon, de grâce, ôtez-moi cette vie odieuse. Si vous daignez me le rendre, il sera, toute sa vie, votre serviteur; il ira en pèlerinage à votre basilique de Conques, et je fais en son nom le vœu qu’il vous donnera chaque année en offrande deux pièces d’or. »

A peine avait-elle terminé cette prière, entrecoupée de sanglots et de cris de douleur, que le cercueil où était couché le cadavre s’agite et que le jeune homme se lève plein de vie, sous les regards stupéfaits des nombreux assistants. L’heureuse mère déposa ses vêtements de deuil et reprit ceux de son vertueux veuvage.

Le ressuscité s’empressa de se rendre à Conques; c’est là que nous l’avons vu nous-mêmes; et en présence de tous les assistants, il offrit sur l’autel de sainte Foy les deniers d’or que sa mère avait promis pour sa résurrection.

[Note a pag. 600]

(1) V. plus haut, p. 429. Torna al testo ↑

(2) Colomiers, Columbarius vicus, arrondissement de Toulouse, à dix kilomètres environ à l’ouest de cette ville, dans la direction de Pibrac. Dans la bulle de délimitation du diocèse de Toulouse (1318) cette localité est appelée Columberiis; dans d’autres documents de la même époque, Colomeriis. Torna al testo ↑