Bouillet Servières
Sainte Foy
Vierge et Martyre

Livre des Miracles de Sainte Foy
Supplément 3 – Manuscrit de Chartres

/605/ Latino →

IV.

D’un autre jeune homme ressuscité.

Sur les confins de la Normandie, se trouve un village appelé Ramis(2) où demeurait un honime du monde, distingué par sa noble origine, l’éclat des honneurs et l’abondance des richesses. Afin que rien ne manquât à son bonheur, il avait conclu la plus noble des alliances et en avait eu de nombreux enfants dont l’éducation était l’objet unique de ses sollicitudes et des labeurs de sa vie. Telle est d’ailleurs l’inclination de la nature; c’est là le principal bonheur des pères.

Mais, après avoir consacré tant de soins à cette œuvre et dès que ses fils adultes arrivaient à l’âge de la force, ils étaient frappés par les coups les plus imprévus et les plus cruels. Ces enfants, objets de tant de sollicitudes, il les avait perdus en divers temps et par diverses maladies. Cependant, dans l’amertume de sa douleur, il avait conservé une consolation. Un de ses enfants lui restait. Sur ce /606/ fils unique il avait d’autant plus concentré toutes ses affections que celui-ci lui donnait de grandes consolations. Mais rien n’est plus fragile que les biens de cette vie, exposés à tant de hasards. Ce dernier enfant, lui aussi, partagea le sort de ses frères; consumé par les ardeurs de la fièvre, il rendit le dernier soupir. Lé père, à ce coup, fut frappé d’une douleur si vive et si au-dessus de toute expression qu’il tomba comme mort, privé de l’usage des sens et de la mémoire. La mère n’était pas moins affligée. A celle nouvelle, les parents et les voisins accoururent pour porter quelque consolation à la douleur des pauvres parents, les relever par de douces paroles, et en même temps assister aux funérailles du défunt, Les consolations qu’ils prodiguèrent, loin de porter un adoucissement, ne firent que raviver les larmes. Alors ils eurent recours à un expédient extraordinaire. Ils persuadèrent aux parents d’implorer la puissance de sainte Foy, dont le crédit se manifeste au-dessus de celui de tous les autres saints par l’éclat des miracles. Le père et la mère, calmés un moment, se rendirent au conseil de leurs amis. De concert avec tous les assistants, ils firent éclater, d’une voix entrecoupée de sanglots et presque paralysée par l’angoisse, les accents de leur plainte en ces termes:

« O vierge Foy, qui brillez dans les cieux au-dessus de la plupart des autres saints, soyez propice à ceux qui vous implorent. Nous avons foi en vos merveilles si éclatantes, nous avons confiance en votre pouvoir; nous implorons donc votre secours. Exaucez nos supplications et manifestez-nous votre puissance en guérissant notre douleur et en comblant tous nos vœux. Ce que nous vous demandons n’est pas au-dessus de votre pouvoir; de grâce, rendez-nous celui que nous pleurons. C’est sa mère, c’est son père en larmes qui vous implorent. Ranimez ce corps gisant sous le pouvoir de la mort, rendez-lui la vie qu’un trépas cruel lui a ôtée. Ce miracle fera éclater votre puissance et chanter vos louanges il sera ajouté par la renommée à vos œuvres merveilleuses. »

Tandis que tous adressent à la sainte à grands cris et avec; de profonds soupirs du cœur de telles invocations, tout à coup le cadavre, qui allait être déposé dans la tombe, s’agite dans un frémissement, écarte le suaire dont il était dejà couvert, et l’enfant, appelant ses parents, affirme à toute l’assistance qu’il a été rendu à la vie par la puissance de sainte Foy. Les assistants, à la vue de ce prodige si étonnant, étaient partagés entre la stupeur et la joie. Tout ce qu’ils avaient entendu dire de la grande sainte, ils le croyaient plus que jamais sans l’ombre d’un doute, et ils proclamaient que ses miracles étaient vraiment dignes d’être célébrés hautement. Peu de temps après, le père et la mère du ressuscité firent le vœu de se rendre en pèlerinage au monastère de Conques. Lorsqu’ils y furent arrivés, ils offrirent pour la résurrection de leur fils un collier d’or qu’ils déposèrent sur l’autel de la sainte martyre.

[Nota a pag. 605]

(2) Aucune indication ne permet d’identifier ce nom. Torna al testo ↑